OUANAMINTHE, vendredi 30 septembre 2022– Le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Fort-Liberté et représentant de la Fédération des Barreaux d’Haïti (FBH) au conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), Evens Fils n’a pas participé vendredi à une réunion de planification de la rentrée de la nouvelle année judiciaire convoquée par le premier ministre de fait Ariel Henry.
Fils a informé avoir proposé sa démission à la FBH après qu’Henry ait pris des mesures pour former la Cour de Cassation sans l’intervention de tous les acteurs concernés par la question.
‘‘Conséquemment, a-t-il souligné dans une correspondance à M. Henry, la FBH s’est attelée à sa tâche de vigile, a tiré la sonnette d’alarme et a rappelé la nécessité de respecter les normes législatives applicables, rappelant que sa démission n’a pas été acceptée par l’assemblée des barreaux.’’
Selon lui, il ne peut y avoir rentrée judiciaire. Comment peut-on parler de rentrée judiciaire lorsque le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince ne fonctionnait plus depuis une année parce que les gangs en ont ainsi décidé ?’’, s’est-il demandé.
Décrivant l’état de dysfonctionnement total de la justice en Haïti, Evens Fils a déclaré : « Des avocats ont abandonné leur cabinet et ont émigré à l’étranger. Et vous avez refusé d’en admettre l’évidence. La détention préventive prolongée est à son paroxysme pour la première fois dans l’histoire de la justice en Haïti. Des détenus, depuis trois (3) ans, n’ont pas pu comparaitre devant leur juge naturel. Pas d’assises criminelles, pas d’audiences régulières. Même les Commissaires du Gouvernement, ceux qui représentent les intérêts directs de votre Gouvernement, entrent en grève comme bon leur semble ».
Il a ajouté que ‘‘la Direction Générale de la Police Judiciaire (DCPJ) multiplie les arrestations illégales sous votre silence, arguant que la Cour de Cassation n’a que trois (3) juges. Aujourd’hui, le pourvoi en Cassation est impossible en Haïti, même pour les urgences. Le mandat des autres juges de Paix, des Tribunaux de Première Instance et des Cours d’Appel a été sans importance pour ce Gouvernement jusqu’à vouloir humilier les magistrats.’’
‘‘C’est le déni de justice généralisé, a-t-il poursuivi, soulignant que les droits humains sont violés comme on respire. Même circuler est énigmatique. Et les responsables s’en moquent au nom de l’excuse et du culte de l’irresponsabilité.’’
Evens Fils a reproche a Ariel Henry d’avoir refusé dans la formation de la Cour de Cassation, de reconnaitre l’autorité du CSPJ, des Associations des magistrats, de la FBH et des Sénateurs en fonction. Vous avez décidé de les remplacer en acceptant les dossiers des candidats.
« Vous avez nié que vous n’avez pas le droit de choisir des juges, même si vous pouviez participer au processus, par consensus. Premier Ministre de facto, votre rôle aurait dû être secondaire (simples formalités et signature de documents à vous soumettre par qui de droit) et ne peut être substantiel (ne peut choisir des acteurs et décider du sort du peuple, même par ricochet) », a déclaré le Bâtonnier de Fort-Liberté.
Selon Fils, ‘‘il ne peut y avoir de cérémonie lorsque des malades meurent partout par manque d’oxygène et d’énergie. L’insécurité galopante et la misère abjecte sont le lot du quotidien. L’entreprenariat devient un leurre. L’inquiétude de la faim est le bonjour des Haïtiens. Nous sommes en dehors de la légalité. Or, il n’existe aucune volonté manifeste pour le retour à l’ordre constitutionnel. La population est lassée. C’est le chaos’’, a-t-il soutenu.
Il a conseillé Ariel Henry à présenter votre démission au peuple haïtien. ‘‘Si le peuple rejette votre démission, vous continuerez à faire partie de la solution par l’accomplissement de simples formalités secondaires pour expédier des affaires courantes’’, lit-on dans cette correspondance.
Selon l’avocat, ‘‘dans cette déconfiture et la désinstitutionalisation de l’État, seul un consensus inclusif, responsable, transparent et désintéressé peut sauver le peuple Haïtien. Tout le monde peut y participer à condition que cela dérive de l’expression de la volonté générale et n’enlève pas aux vulnérables le droit de vivre, de circuler et de manger.’’