Par Francklyn B Geffrard,
MIAMI, mardi 8 avril 2025, (RHINEWS)- Aux États-Unis, des centaines d’enfants haïtiens font aujourd’hui face à une incertitude juridique alarmante en ce qui a trait à leur statut. Entrés sur le territoire américain dans le cadre du programme de “parole humanitaire” mis en place par l’administration Biden, ces enfants se retrouvent sans statut légal à la suite de la suppression de ce programme par l’administration Trump, en mars 2025. Sans TPS, sans carte verte, sans asile, leur avenir repose désormais sur un fil.
Lancé en janvier 2023, le programme de parole humanitaire permettait à certains ressortissants de pays en crise — notamment Haïti, Cuba, le Nicaragua et le Venezuela — d’entrer aux États-Unis pour une période de deux ans, à condition d’avoir un sponsor financier sur place. Si le programme visait principalement les adultes, de nombreux enfants haïtiens en bas âge sont également arrivés, parfois sans leurs parents biologiques, mais pris en charge par des proches.
Le programme ne conférait aucun statut permanent, et n’ouvrait pas automatiquement la voie à une régularisation. Il s’agissait d’une solution humanitaire temporaire, renouvelable sous certaines conditions.
En mars 2025, l’administration Trump a officiellement mis fin à cette initiative, qualifiant le dispositif d’illégal. À partir du 24 avril 2025, tous les bénéficiaires de ce programme risquent donc l’expulsion, s’ils n’ont pas entre-temps trouvé une autre voie pour rester légalement sur le territoire américain.
Ces enfants, souvent confiés à des proches aux États-Unis, se retrouvent aujourd’hui dans une situation de grande précarité. Ils ne sont éligibles ni au Temporary Protected Status (TPS), ni à l’asile automatique, ni à une carte verte en l’absence d’une procédure spécifique.
Invité à l’émission Perspective Plurielle, diffusée sur YouTube, l’avocat en immigration Me Ronald Surin a apporté un éclairage essentiel sur les recours juridiques à la disposition des mineurs non accompagnés aux États-Unis. Spécialisé en droit de l’immigration et de la famille, il plaide pour une meilleure information des familles et des accompagnateurs face à des procédures complexes, mais potentiellement salvatrices.
« Les mineurs, même non accompagnés, bénéficient des mêmes droits que les adultes pour déposer une demande d’asile politique », explique Me Surin. Néanmoins, selon lui, l’asile n’est pas toujours la voie la plus accessible, notamment pour les enfants très jeunes qui ont du mal à exprimer les persécutions subies ou les risques encourus dans leur pays d’origine.
Il existe une alternative spécifique : le programme “Special Immigrant Juvenile” (SIJ). Ce dispositif fédéral permet aux mineurs de moins de 18 ans, jugés abandonnés, négligés ou maltraités, d’être pris en charge par l’État américain. Si un tribunal émet une décision reconnaissant que l’enfant ne peut être placé sous la garde de ses parents, celui-ci devient éligible au statut SIJ.
Ce statut ouvre directement la voie à la demande de résidence permanente (carte verte). Toutefois, la procédure n’est pas sans conséquences : « Une fois le statut SIJ accordé, les liens juridiques entre l’enfant et ses parents sont rompus », prévient Me Surin. Cette rupture signifie qu’à l’avenir, même en tant que citoyen américain, l’enfant ne pourra plus faire venir légalement ses parents via un parrainage familial.
Il s’agit d’une décision lourde de conséquences, qui doit être mûrement réfléchie par toutes les parties, y compris les parents résidant à l’étranger, notamment en Haïti, souvent confrontés à des situations d’extrême vulnérabilité.
L’avocat mentionne également une autre voie : l’adoption par un citoyen américain, si l’enfant est encore jeune (idéalement moins de 15 ans). Cette procédure permet aussi de régulariser la situation de l’enfant, tout en lui garantissant les mêmes droits que tout enfant biologique, y compris en matière d’héritage.
« Mais attention : l’adoption entraîne aussi des responsabilités pour l’adoptant, ainsi qu’un changement définitif dans l’identité juridique de l’enfant », insiste Me Surin, appelant à une consultation approfondie avec un avocat en droit familial avant toute démarche.
Enfin, l’avocat insiste sur l’importance d’agir le plus tôt possible. Les procédures sont généralement plus simples pour les enfants en bas âge, car elles peuvent reposer sur leur vulnérabilité et leur incapacité à retourner dans un environnement dangereux. « Un enfant de cinq ou six ans ne pourra pas expliquer seul pourquoi il fuit son pays. Dans ces cas, le statut SIJ devient souvent la solution la plus adaptée », souligne-t-il.
Dans tous les cas, Me Surin appelle à une mobilisation des familles d’accueil, des associations et des avocats : « Chaque situation est unique. Mais avec le bon accompagnement, ces enfants ont une réelle chance d’obtenir la sécurité, la stabilité et un avenir meilleur aux États-Unis. »
Si l’enfant risque des persécutions graves en cas de retour en Haïti — en raison de la violence généralisée, de la situation politique, ou de menaces spécifiques — une demande d’asile peut être déposée. Cette démarche nécessite souvent des preuves tangibles et l’accompagnement d’un avocat spécialisé.
Dans certains cas, les proches qui hébergent l’enfant pourraient entamer une procédure d’adoption légale, ouvrant ainsi la voie à une régularisation par parrainage familial. Cette solution exige toutefois le respect des lois américaines et internationales, notamment celles de la Convention de La Haye.
Le cas de ces enfants haïtiens pose une question morale fondamentale : que faire d’enfants mineurs, arrachés à un pays en crise, accueillis par des proches, et aujourd’hui menacés d’expulsion sans aucune faute de leur part ?
Sans réponse rapide, ce vide juridique risque de se transformer en drame humain, avec des enfants arrachés à leurs familles d’accueil, exposés à la violence extrême en Haïti, et abandonnés à une instabilité juridique permanente.
Plus que jamais, le temps presse pour agir — sur le plan juridique, politique et humain.