PORT-AU-PRINCE, mercredi 4 septembre 2024– Le 28 mai 2024, une enquête a été ouverte par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) sur Marriantha Mérone, Responsable du Centre de Réception et de Livraison de Documents d’Identité (CRLDI) de Pétion-Ville, en raison de signalements d’enrichissement illicite. Cette enquête a été menée conformément aux articles 11 et 12 du décret du 8 septembre 2004 créant l’ULCC. L’objectif était de déterminer s’il existait une disproportion notable entre ses revenus légitimes et son patrimoine réel, définie comme une augmentation disproportionnée du patrimoine d’un agent public que celui-ci ne peut justifier raisonnablement par rapport à ses revenus légitimes.
La Commission d’enquête a sollicité des informations auprès de diverses institutions financières et organismes publics, y compris les banques, les coopératives locales, la Direction Générale des Impôts (DGI), et l’Office d’Assistance aux Victimes de Crimes (OAVCT). Elle a également obtenu des données de la Direction de l’Immigration et de l’Émigration (DIE), du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT), ainsi que du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) pour établir les revenus légitimes de Mme Mérone de janvier 2018 à la date de l’enquête.
Les investigations ont révélé que Mme Mérone percevait un traitement indû en continuant de recevoir des frais supplémentaires variant entre 180 000 et 200 000 gourdes tous les trois mois provenant de la Direction de l’Immigration et de l’Émigration de l’aéroport international Toussaint Louverture, malgré son transfert au CRLDI de Pétion-Ville. Ces paiements étaient non conformes aux règlements en vigueur.
Lors de son audition, Mme Mérone a fourni des explications variées et contradictoires sur l’origine des fonds supplémentaires reçus. Initialement, elle a expliqué que ces fonds étaient destinés à rassembler de l’argent pour un rendez-vous de visa à l’ambassade du Canada. Cependant, cette explication a été contredite par la Capital Bank, qui a signalé des transactions suspectes et a finalement résilié les comptes de Mme MÉRONÉ en raison de mouvements financiers inhabituels.
L’enquête a également mis en évidence une disproportion significative entre les revenus déclarés par Mme Mérone et l’augmentation de son patrimoine. Au cours des sept dernières années fiscales (2017 à 2024), elle a perçu un salaire total estimé à 14 418 703,21 gourdes. Toutefois, les dépôts effectués sur ses comptes bancaires ont totalisé 44 510 462,66 gourdes, presque le triple de ses revenus légitimes.
Les comptes bancaires examinés comprenaient un compte en gourdes à la Capital Bank (numéro 1790063), un compte en dollars américains à la Capital Bank (numéro 1871740), et un compte d’épargne en gourdes à la UNIBANK (numéro 0105-2015-18811126). Les dépôts effectués entre le 17 janvier 2020 et le 30 juin 2024 ont montré une augmentation de 318,13% par rapport aux revenus légitimes de Mme MÉRONÉ.
Des indices de blanchiment d’argent ont également été détectés. Les mouvements financiers sur les comptes de Mme MÉRONÉ, marqués par des transactions suspectes, ont conduit à des suspicions de conversion de flux financiers illicites. La Capital Bank a signalé des transactions douteuses, notamment des achats de terrains au bénéfice de tiers, ce qui suggère un stratagème pour blanchir des fonds.
La Commission d’enquête a recommandé des mesures administratives et pénales. Sur le plan administratif, il est suggéré d’auditer les comptes du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, le CRLDI de Pétion-Ville, et de supprimer les frais supplémentaires injustifiés. Il est également recommandé de révoquer Mme MÉRONÉ pour enrichissement illicite.
Sur le plan pénal, la Commission recommande d’engager des poursuites contre Mme Mérone pour concussion, enrichissement illicite et blanchiment d’argent, et contre Jean Osselin LAMBERT pour complicité de concussion et abus de fonction. La Commission propose également le gel des avoirs de Mme MÉRONÉ. Ces conclusions soulignent la nécessité d’une réforme pour prévenir de telles irrégularités à l’avenir.