PORT-AU-PRINCE, jeudi 21 mars 2024– La situation dans la capitale haïtienne ravagée par les gangs est passée d’inquiétante à « extrêmement alarmante » alors que les conditions à Port-au-Prince continuent de s’aggraver dans un contexte de faim croissante et de graves pénuries dans les hôpitaux pour soigner les victimes par balle, a déclaré jeudi la Coordonnatrice humanitaire des Nations Unies.
« Il est important que nous ne laissions pas la violence s’étendre de la capitale au reste du pays », a dit Ulrika Richardson, s’adressant aux journalistes au siège de l’ONU par liaison vidéo depuis Haïti.
Elle a indiqué que des attaques orchestrées de gangs contre les prisons, les ports, les hôpitaux et le palais ont eu lieu ces dernières semaines, mais qu’au cours des derniers jours, ces groupes lourdement armés ont progressé dans de nouveaux quartiers de la capitale.
« Les souffrances humaines sont d’une ampleur alarmante », a-t-elle ajouté, décrivant la tension quotidienne, les bruits de coups de feu et la peur qui monte dans la capitale.
Des violations odieuses des droits humains se poursuivent, avec plus de 2.500 personnes tuées, kidnappées ou blessées, a déclaré Ulrika Richardson, soulignant que les violences sexuelles sont endémiques, avec le recours à la torture et au « viol collectif » contre les femmes.
Au total, 5,5 millions d’Haïtiens ont besoin d’aide, dont plus de trois millions d’enfants.
La sécurité alimentaire reste une grave préoccupation, la malnutrition étant signalée chez un nombre croissant de jeunes. De plus, 45% des Haïtiens n’ont pas accès à l’eau potable.
Haïti est « proche de la famine », a-t-elle prévenu, appelant à un soutien urgent au plan de réponse humanitaire, qui nécessite 674 millions de dollars mais n’est financé qu’à 6%.
Avec plus de fonds, « nous pouvons faire davantage » pour aider le peuple haïtien, a-t-elle déclaré, estimant que « le temps presse ».
La Coordonnatrice humanitaire a indiqué que des vols aériens soutenus par l’ONU vers Haïti ont permis de transporter des fournitures vitales, notamment des poches de transfusion sanguine pour les hôpitaux traitant un nombre croissant de victimes par balle.
Dans le même temps, l’aéroport est fermé au trafic commercial, ce qui rend impossible l’importation de biens essentiels, notamment de médicaments. Le port national est opérationnel, mais son accès est difficile, car les zones environnantes sont contrôlées par des gangs.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a signalé que moins de la moitié des établissements de santé de Port-au-Prince fonctionnent à leur capacité normale et qu’il existe un besoin urgent de produits sanguins sûrs, d’anesthésiques et d’autres médicaments essentiels.
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), 1,4 million de personnes sont confrontées à des niveaux d’urgence de faim et ont besoin d’aide pour survivre.
S’agissant de la situation sanitaire, l’agence de santé des Nations Unies a déclaré que l’épidémie de choléra, en baisse depuis la fin de l’année dernière, pourrait réapparaître si la crise se poursuivait.
Les activités de lutte contre le choléra et la surveillance des données ont déjà été affectées par les récentes violences, et la situation pourrait s’aggraver considérablement dans les semaines à venir si le carburant se raréfie et si l’accès aux fournitures médicales essentielles n’est pas amélioré rapidement, selon l’OMS.
Le chef de l’OMS a appelé à un soutien rapide aux efforts visant à aider ceux qui sont coincés dans une situation qui se détériore.
« Nous appelons tous les partenaires et le public à ne pas oublier le peuple haïtien », a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, appelant également à un accès humanitaire sûr et sans entrave, à garantir la sécurité des agents de santé et à protéger les établissements de santé.
L’OMS et l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) soutiennent le ministère haïtien de la Santé et d’autres partenaires en fournitures et en logistique, notamment en matière d’eau, d’assainissement, d’hygiène et de surveillance des maladies dans les centres pour personnes déplacées, a-t-il dit.
Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé à tous les efforts pour mettre en œuvre des dispositions de transition convenues la semaine dernière après l’annonce de la démission du Premier ministre, a déclaré jeudi le porte-parole adjoint de l’ONU, Farhan Haq.
Le chef de l’ONU a salué les informations selon lesquelles les parties prenantes haïtiennes ont toutes nommé des candidats au Conseil présidentiel de transition, a-t-il dit, ajoutant que l’ONU, à travers son bureau en Haïti, le BINUH, continuera à soutenir le pays dans ses efforts pour restaurer les institutions démocratiques.
Le déploiement rapide de la mission multinationale d’appui à la sécurité « reste essentiel pour garantir que les volets politique et sécuritaire puissent avancer en parallèle, car seuls des efforts complémentaires peuvent être couronnés de succès », a-t-il souligné.
Dans une déclaration à la presse publiée jeudi, les membres du Conseil de sécurité ont souligné le rôle clé de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) pour faciliter les efforts déployés par Haïti pour sortir de l’impasse politique et de la situation sécuritaire actuelles.
Ils ont réitéré leur plein soutien « à un processus politique dirigé et pris en charge par les Haïtiens » et ont exhorté toutes les parties prenantes haïtiennes à continuer de favoriser le consensus le plus large possible grâce à un dialogue inclusif « pour permettre l’organisation d’élections législatives et présidentielle libres et équitables, avec la participation pleine, égale, significative et sûre des femmes et l’engagement des jeunes ».
Les membres du Conseil ont fermement condamné les violences et les attaques perpétrées par les gangs et ont souligné la nécessité pour la communauté internationale de redoubler d’efforts pour fournir une aide humanitaire à la population et soutenir la Police nationale haïtienne, notamment en renforçant sa capacité à rétablir l’ordre public et par le déploiement rapide de la mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS).
Ils ont souligné le rôle du Conseil dans le renforcement de l’efficacité des sanctions visant à prévenir l’escalade et la détérioration de la situation en Haïti. Ils ont exprimé leur vive préoccupation face au flux illicite d’armes et de munitions vers Haïti, qui reste un facteur fondamental d’instabilité et de violence. Ils ont réitéré l’obligation des États Membres de mettre en œuvre l’embargo sur les armes et leur détermination à prendre de nouvelles mesures à cet égard au sein du Conseil de sécurité.Les conditions alarmantes dans la capitale haïtienne s’aggravent, selon l’ONU.