‘‘Élites et communauté internationale : deux faces d’une même médaille ?’’- Me Sonet Saint-Louis…

Sonet Saint-Louis, Avocat

PORT-AU-PRINCE, vendredi 24 mai 2024– Dans une analyse de conjoncture, Me Sonet Saint-Louis, professeur de droit constitution et de philosophie,  examine les relations complexes entre les élites haïtiennes et la communauté internationale, en soulignant les dynamiques de pouvoir et les défis démocratiques en Haïti.

Selon M. Saint-Louis, un plan B de la communauté internationale pourrait viser l’élimination des élites dominantes haïtiennes. Cette hypothèse repose sur le fait qu’Haïti, avec la complicité de ses élites, est sur le point d’accueillir des forces étrangères sur son sol pour la troisième fois en moins de trois décennies, soutient-il.

D’après lui, les interventions militaires étrangères, devenues le recours favori des politiciens haïtiens, révèlent l’incapacité des élites dirigeantes à respecter les règles fondamentales de l’État de droit.

Il affirme que la théorie de Heidegger sur l’État de droit démocratique souligne l’importance de la bonne gouvernance et du respect des droits fondamentaux de la personne humaine. Or, en Haïti, ce principe est souvent ignoré. Un exemple frappant est l’exercice prolongé du pouvoir exécutif par l’ancien Premier ministre Dr. Ariel Henry, qui a dirigé sans présidence pendant 31 mois, créant ainsi une structure de pouvoir anormale et autarcique.

Pour Saint-Louis, la mauvaise gouvernance et le refus des règles de droit découlent d’un manque d’éducation des classes dominantes. L’incapacité des élites à évoluer dans un cadre démocratique se traduit par une gestion du pouvoir marquée par l’arbitraire et l’impunité. Me Sonet Saint-Louis souligne que la prestation de serment sur la Constitution de 1987 par le Conseil présidentiel de transition (CPT) est une usurpation des règles démocratiques, réservée aux détenteurs légitimes du pouvoir public.

L’’e CPT, né suite à un coup de force de la communauté internationale, n’a pas de base légale et constitutionnelle. Il est le produit d’un mélange explosif d’ennemis jurés de la démocratie libérale. En prêtant serment sur la Constitution de 1987, cette nouvelle instance de facto humilie la fonction présidentielle. La prestation de serment, réservée aux détenteurs des pouvoirs publics et locaux élus ou désignés selon les prescrits constitutionnels, a été dénaturée’’, déclare l’homme de loi.

Selon lui, les hommes politiques et les organisations de la société civile manipulent la Constitution à leur convenance. ‘‘Nul n’a le droit de s’autoproclamer souverain de la république de cette manière. En Haïti, on célèbre les transitions forcées et l’impunité avec la même détermination.’’

Me Sonet Saint-Louis questionne comment Haïti a pu fonctionner pendant plus de deux ans sans Cour de cassation, sans présidence, sans parlement, sans conseils municipaux et sans conseils d’administration des sections communales. Cette situation serait impensable dans des villes comme Montréal.

Il affirme que la dépendance d’Haïti vis-à-vis de l’étranger est une humiliation constante, exacerbée par des interventions qui bafouent la souveraineté nationale. L’exemple de l’ancien Premier ministre Ariel Henry, retenu aux États-Unis et contraint de démissionner, illustre cette domination. ‘‘Cette situation découle d’un pouvoir étranger exercé en dehors des normes du droit international, selon des règles établies par les Américains pour protéger leurs intérêts stratégiques.’’

‘‘Le CPT, entité hybride et sans base légale, est né dans un contexte de crise. Me Sonet Saint-Louis questionne sa capacité à se distancier des pratiques corrompues antérieures et à œuvrer pour le bien commun. La réussite de cette transition dépendra de la neutralité de l’équipe gouvernementale et du Premier ministre, dont la désignation reste un sujet de polémique, selon Saint-Louis

Le peuple attend la nomination d’un Premier ministre malgré les nombreux manquements signalés. Cette course effrénée à la primature, avec plus d’une centaine de candidatures, est perçue comme une comédie qui risque de se transformer en tragédie. Me Sonet Saint-Louis souligne la difficulté d’accès à la démocratie dans un contexte de manque de développement économique, de croissance et d’opportunités. La démocratie de luxe importée peine à prendre corps dans une société marquée par la rareté.

Saint-Louis souligne le manque de compréhension des élites haïtiennes quant à leur rôle. L’État n’est pas un lieu de captation de richesses mais de gestion du bien commun. La richesse se crée par l’industrie, l’entreprenariat et le travail, non par la corruption et l’enrichissement illicite. Me Saint-Louis exprime l’espoir que la prochaine génération sera celle des entrepreneurs et des scientifiques, capables de mener Haïti vers un développement durable.

Selon lui, la création du CPT est vue comme un recul de la démocratie moderne en Haïti. Me Saint-Louis rappelle que la démocratie repose sur le consentement explicite des citoyens par le suffrage universel, renouvelé régulièrement. ‘‘La transition actuelle doit être perçue comme un test historique pour les élites haïtiennes, qui doivent prouver leur capacité à diriger de manière compétente et patriote. Faute de quoi, Haïti pourrait se diriger vers de nouveaux cataclysmes politiques et un éventuel protectorat’’, prévient-il.

Pour Me Sonet Saint-Louis, la guérison d’Haïti passe par des vérités proclamées sans complaisance et un leadership éclairé, capable de naviguer dans un contexte de corruption et d’intrigues politiques. La réussite de la transition actuelle et la crédibilité des prochaines élections seront cruciales pour rétablir la sécurité publique et la normalisation de la vie démocratique en Haïti. La rupture avec les pratiques du passé est essentielle pour éviter une aggravation des privations et des frustrations au sein de la population haïtienne.

Me Sonet Saint-Louis identifie une faute intellectuelle à la base de la création du CPT. Selon lui, la solution politique viable aurait été de transférer le pouvoir à la Cour de cassation, encadrée par les militaires et les membres du Haut-État major de la Police nationale, pour assurer une transition en toute neutralité. Cette option aurait permis de préserver la légalité et la légitimité du processus de transition.

‘‘Dans ce contexte exceptionnel, dit-il, où la légalité n’est pas respectée, Haïti doit opter pour un Premier ministre éclairé, patriote et technocrate. Celui-ci doit comprendre les enjeux de l’État et la dimension globale de la question haïtienne. Il doit être capable de déjouer les intrigues des politiciens véreux et des entrepreneurs malhonnêtes afin de défendre l’intérêt commun. La rupture avec les profils traditionnels de dirigeants est cruciale pour éviter une aggravation des conditions de vie de la population.’’

Le CPT, cette instance étatique hybride, est un test historique. Il doit prouver si les élites haïtiennes méritent de figurer comme classe dirigeante intelligente, consciente et moderne, insiste-t-il, ajoutant que la communauté internationale et les élites haïtiennes doivent cesser de courir à la ruine et travailler ensemble pour un avenir meilleur.

Me Sonet Saint-Louis conclut son analyse en appelant à une réflexion profonde sur la situation actuelle en Haïti. La guérison du pays passe par la reconnaissance des vérités essentielles et l’adoption de réformes fondamentales.

Selon lui, la transition actuelle est une opportunité pour les élites haïtiennes de prouver leur capacité à diriger de manière compétente et patriote. La réussite de cette transition dépendra de la mise en place d’un leadership éclairé et de la rupture avec les pratiques du passé. Haïti doit saisir cette occasion pour rétablir la sécurité publique, normaliser la vie institutionnelle et démocratique, et assurer un avenir de développement durable pour tous ses citoyens.

 

Analyse de conjoncture de Me Sonet Saint-Louis