PORT-AU-PRINCE, mercredi 10 mai 2023- Ce 10 mai marque le 70e anniversaire du renversement du pouvoir du président Léon Dumarsais Estimé.

Le 10 mai 1950, Estimé qui dirigeait le pays depuis trois ans et huit mois dans le cadre de son mandat de quatre ans, a été contraint par les militaires, sous la houlette du général Paul Eugène Magloire, de quitter le pouvoir avant d’avoir organisé les élections.

“Le président était soupçonné de vouloir se maintenir au pouvoir, c’est du moins l’argument avancé par ses détracteurs”, déplore l’une de ses fille, Raymonde Estimé, aujourd’hui âgée de 90 ans.

Selon Mme Estimé, la chute du président a constitué une grande perte pour le pays et continue de peser encore dans le sous-développement d’Haïti.

Elle affirme que l’ex-président incarnait une vision du développement durable axée sur la modernité et la croissance économique.

“L’organisation de l’exposition internationale du bicentenaire d’Haïti, la ré dynamisation de la diplomatie haïtienne quand elle n’était pas éclaboussée par des scandales de corruption à grande échelle, la construction du barrage hydroélectrique de Péligre, la création de l’organisme du développement de la Vallée de l’Artibonite, la construction de la ville de Belladère dans le plateau central, l’amelioration des infrastructures routières, la construction d’écoles, de centres professionnels, de ponts entre autres, sont la preuve de cette vision inachevée”, déclare Raymonde Estimé.

« Si mon père avait eu le temps de matérialiser tous ses projets, si ceux qui l’ont succédé avaient les mêmes ambitions que lui, le pays aurait fait un bon en avant très significatif », renchérît-elle.

Selon Raymonde Estimé, “le président Estimé s’est évertué à stabiliser le pays, replacer Haïti sur la carte touristique mondiale, recouvrer la souveraineté nationale et redonner l’espoir d’un lendemain meilleur au peuple haïtien qui avait retrouvé sa dignité.”

Pour sa part, l’ex-ministre de l’éducation nationale et historien, Pierre-Josué Agenor Cadet, déplore que l’expérience du président Estimé ait été interrompue brutalement.

Selon lui, “Dumarsais Estimé figure parmi les quelques rares présidents haïtiens qui ont fait preuve de patriotisme et de leur volonté d’engager résolument le pays sur la voie du progrès et du développement.”

« Malheureusement, les forces d’argent, les forces réactionnaires et l’oligarchie corrompue, ont fait dérailler le train du changement. Et c’est une constance dans l’histoire d’Haïti, aucun chef d’Etat progressiste ne peut réaliser leur vision pour le pays, face à ces forces qui s’opposent toujours au changement », déplore M. Cadet.

Né le 21 avril 1900 à Verrettes, dans le département de l’Artibonite, Léon Dumarsais Estimé était président d’Haïti du 16 août 1946 au 10 mai 1950.

Orphelin dès son plus jeune âge, Estimé a été élevé par son oncle Estilus Estime, politique, qui l’a adopté. Avant d’être élu président lors d’un scrutin au second degré au Parlement, Dumarsais Estimé avait déjà été élu député de la circonscription des Verrettes, président de la Chambre  et avait occupé des fonctions ministérielles.

Il est décédé le 20 juillet 1953, soit trois ans après sa chute, à l’âge de 53 ans dans un hôpital à New-York. Sa fille, Raymonde Estimé, pense qu’il a été empoisonné.

Dumarsais Estimé a été remplacé par la même junte militaire à laquelle il avait succédé au pouvoir, celle qui avait pris le pouvoir après la chute du président Elie Lescot.

Cette junte était composée des mêmes militaires des militaires de 1946,  Franck Lavaud, devenu général, assumait la présidence,  les colonels Antoine Lévelt et Paul Magloire, membres.