PORT-AU-PRINCE, mercredi 24 avril 2024– Selon le rapport annuel du département d’État américain sur les droits de l’homme, la violence des gangs en Haïti s’est étendue à des régions auparavant non touchées, y compris les départements de l’Artibonite et du Centre.
Le document du Département d’Etat souligne que des enlèvements contre rançon perpétrés par des gangs armés ont augmenté, touchant toutes les couches de la société. En outre, aucune autorité gouvernementale démocratiquement élue n’était en fonction.
Le rapport 2023 du Département d’Etat indique des violations significatives des droits de l’homme ont été relevées, comprenant des rapports crédibles faisant état d’assassinats arbitraires ou illégaux, y compris des exécutions extrajudiciaires, de la torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés par des agents gouvernementaux, ainsi que des conditions carcérales difficiles et mettant en danger la vie des détenus.
« On observe également des arrestations ou détentions arbitraires, de graves problèmes concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire, des abus graves dans un contexte de conflit, notamment des décès ou des préjudices importants causés aux civils, des disparitions forcées ou des enlèvements, des actes de torture et des abus physiques », souligne le rapport.
Le document ajoute que l’impossibilité pour les citoyens de changer pacifiquement de gouvernement par le biais d’élections libres et équitables, ainsi que la corruption gouvernementale, les violences basées sur le genre, y compris les violences sexuelles et d’autres formes de violences, constituent d’autres sujets de préoccupation.
‘‘Des obstacles substantiels à l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, la traite des personnes, y compris le travail forcé, les crimes impliquant des violences et des menaces de violence à l’encontre des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer ou intersexuées, ainsi que l’existence de certaines des pires formes de travail des enfants ont également été signalés.’’
Le rapport affirme que le gouvernement n’a pas pris de mesures crédibles pour identifier et punir les fonctionnaires susceptibles d’avoir commis des abus. La violence des gangs a persisté à des niveaux élevés dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Certains gangs auraient reçu le soutien de personnalités politiques et économiques.
Dans son rapport, le Département d’Etat indique les gangs armés sont également responsables de conflits ayant entraîné des assassinats, des attaques brutales contre les citoyens, des cas ciblés de violence sexuelle, la mutilation de restes humains, le déplacement massif de populations et la destruction de foyers et de biens.
Le dernier rapport du Département d’État soulève également une série de préoccupations graves concernant le respect de l’intégrité de la personne en Haïti. Les conclusions du rapport soulignent plusieurs cas de privation arbitraire de la vie et d’autres meurtres illégaux ou politiquement motivés.
L’une des situations les plus alarmantes concerne les exécutions extrajudiciaires perpétrées par le gouvernement ou ses agents. Entre avril et juin, le Bureau des droits de l’homme de l’Office intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) a documenté au moins 18 cas de résidents du quartier nord-est de Tabarre, à Port-au-Prince, tués par des individus en uniforme de police. Ces cas ont été signalés aux autorités de la Police nationale haïtienne (PNH), qui ont promis d’ouvrir des enquêtes appropriées.
De plus, poursuit le rapport, les médias locaux ont rapporté sept cas présumés d’exécutions extrajudiciaires de membres de gangs dans le département des Nippes, sous la direction du commissaire d’État Jean Ernst Muscadin. Ce dernier n’a pas nié son implication dans ces meurtres et a même utilisé les réseaux sociaux pour proclamer que les Nippes étaient un “cimetière pour les bandits”.
Une autre préoccupation majeure est l’émergence du mouvement de vigilance baptisé “bwa kale” (bois écorcé), qui a commencé en avril 2023. Les résidents ont ciblé et tué des membres présumés de gangs à travers le pays. Des représentants des droits de l’homme et des Nations unies ont rapporté que certains des victimes avaient été arrêtées par la police ou incitées par des membres de la PNH à agir ainsi.
Le document note qu’en ce qui concerne l’assassinat du président Moïse en 2021, des progrès ont été réalisés dans l’enquête. Jusqu’à présent, le juge d’instruction chargé de l’affaire a interrogé près de 60 individus, émis 30 mandats d’arrêt et inculpé 39 personnes détenues.
En outre, le rapport souligne le manque de progrès significatifs dans l’enquête sur plusieurs attaques emblématiques, notamment celles survenues dans les quartiers de Grande Ravine (2017), Bel Air (2018), La Saline (2019) et Cité Soleil (2020).
Bien que les autorités affirment continuer à enquêter sur ces événements qui ont fait des dizaines de morts, aucun responsable n’a encore été traduit en justice.
Cependant, la rédaction de RHINEWS a été informée que l’ordonnance du cabinet chargée d’instruction en charge du dossier sur le massacre de La Saline est prête. Elle n’a pas été transmise au parquet en raison de l’escalade la violence des gangs armés qui ont paralysé le fonctionnement de la plupart des institutions publiques et détruit les deux plus grands centres carcéraux du pays, (Pénitencier National et la prison civile de la Croix-des-Bouquets).
Cette situation decrite dans le rapport du Département d’Etat Américain souligne la nécessité d’une action pour protéger les droits fondamentaux des Haïtiens et garantir l’instauration d’un gouvernement démocratique et responsable, capable de mettre fin à la violence des gangs et de faire face aux multiples défis auxquels le pays est confronté.