PARIS, dimanche 23 juin 2024– Le Dr. Guerby Blaise, un expert reconnu en droit pénal et politique criminelle, persiste dans son évaluation critique de l’inapplicabilité du nouveau Code Pénal et du Code de Procédure Pénale, adoptés par décret le 24 juin 2020 en Haïti. À la lumière des récentes actualisations de son analyse juridique, il réitère ses mises en garde aux autorités politiques actuelles, au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) et aux partenaires internationaux impliqués dans la réforme de la justice pénale haïtienne, notamment les Nations Unies et la France.
Le 23 mai 2022, soit un mois avant l’entrée en vigueur prévue de ces codes, le Dr. Blaise souligne avoir déjà organisé une consultation citoyenne pour alerter les pouvoirs publics sur les risques inhérents à ces nouvelles législations. Il rappelle que le respect des règles de vie collective et de l’État de droit impose une hiérarchisation normative au sommet de laquelle se trouve la Constitution de 1987, qui consacre la répartition des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Ainsi, l’adoption de textes législatifs, telle que celle du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale, relève exclusivement de la compétence du Parlement.
Cependant, le pouvoir exécutif haïtien a adopté ces nouveaux codes par décret, un acte administratif, en contradiction avec les dispositions constitutionnelles. Cette décision, selon le Dr. Blaise, met en péril la légalité procédurale et les droits fondamentaux des individus dans le cadre de la justice pénale.
Il souligne que l’application des peines par le juge pénal et les mesures privatives de liberté avant procès, telles que la garde à vue et la détention provisoire, prévues par ces codes, peuvent obstruer les réponses pénales et violer les principes constitutionnels.
De plus, Me Blaise met en lumière le risque d’impunité qui pourrait résulter de l’application de ces textes. Les magistrats judiciaires pourraient être contraints d’ordonner la mise en liberté des mis en cause si les avocats soulèvent la non-conformité des dispositions de ces codes à la Constitution. ‘‘Cette situation pourrait institutionnaliser l’impunité dans le système judiciaire haïtien, sapant ainsi la crédibilité de la justice pénale’’, soutient-il.
L’expert souligne également l’inexistence matérielle des institutions et services judiciaires nécessaires à la mise en œuvre de ces codes. Par exemple, la création du juge des libertés et de la détention, des juridictions de l’application des peines, des juridictions pour mineurs, ainsi que la mise en place du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG) et du Casier judiciaire, sont prévues par le Code de Procédure Pénale. Cependant, ces structures et outils n’existent pas encore matériellement en Haïti. Le manque d’équipement des prisons pour des procédures telles que le placement sous bracelet électronique, en raison de l’absence de stabilité électrique et de la mise en réseau entre commissariats et prisons, rend également ces mesures inapplicables.
En outre, le Dr. Blaise critique la non-uniformisation de la législation criminelle, notant que certaines dispositions des nouveaux codes sont ambiguës et peuvent entrer en conflit avec la Constitution. Par exemple, la poursuite pénale des autorités politiques telles que le président de la République, le Premier ministre et les ministres relève de la Haute Cour de Justice, selon les dispositions constitutionnelles.
‘‘Cependant, les nouveaux codes maintiennent des procédures pénales ordinaires qui contredisent ces dispositions. Cette incohérence pourrait entraîner un désastre judiciaire et désorganiser l’ordonnancement juridique haïtien’’, argumente-t-il.
Face à ces défis, Blaise recommande une relecture des nouveaux codes par une commission composée de juristes praticiens et universitaires spécialisés en droit pénal. Il propose que cette commission collabore avec diverses institutions haïtiennes telles que la Fédération des Barreaux d’Haïti, l’École de la Magistrature, les associations de magistrats judiciaires, ainsi que la Direction Centrale de la Police Judiciaire, pour amender les lacunes rédactionnelles et assurer une réforme pénale efficace et pertinente.
Bien que le travail des rédacteurs des nouveaux codes soit audacieux et mérite reconnaissance pour leur contribution patriotique à la modernisation de la législation pénale haïtienne, il est crucial d’adapter ces textes aux réalités matérielles et constitutionnelles du pays.
Guerby Blaise appelle à une réflexion approfondie et à une approche plus anthropologique pour éviter les incidences néfastes de l’application de ces codes et garantir une justice pénale conforme aux exigences de l’État de droit en Haïti. Il est également essentiel de rappeler que ces nouveaux codes doivent entrer en vigueur ce lundi 24 juin, à moins que le gouvernement ne décide de les ajourner. Si ce n’est pas le cas, les préoccupations soulevées par le Dr. Blaise pourraient devenir une réalité pressante nécessitant une intervention immédiate pour prévenir une crise judiciaire majeure en Haïti.