Dr. Ernst Pierre Vincent appelle  à une révision de la politique diplomatique d’Haïti vis-à-vis de la République Dominicaine…

Dr. Ernst Pierre Vincent, conseiller spécial de la Conférence des Pasteurs Haïtiens (COPAH) et spécialiste en résolution de conflits et études de la paix

PORT-AU-PRINCE, lundi 1er juillet 2024– Dans une lettre ouverte adressée à la Ministre des Affaires étrangères et des Cultes, Dr. Ernst Pierre Vincent, expert en résolution de conflits internationaux et spécialiste de la République Dominicaine, souligne l’urgence de réviser en profondeur la politique diplomatique d’Haïti envers la République Dominicaine.

Face à des décennies de relations tendues et de stratégies diplomatiques inefficaces, Vincent appelle à des réformes substantielles pour mieux défendre les droits des Haïtiens résidant dans le pays voisin et pour renforcer les capacités consulaires haïtiennes.

Vincent commence par féliciter la Ministre pour sa récente nomination et pour son engagement à combattre la corruption et promouvoir la méritocratie au sein du ministère. Il exprime sa conviction que ces réformes donneront un nouvel élan à la diplomatie haïtienne, la rendant plus apte à protéger les intérêts de l’État haïtien sur la scène internationale.

Il attire ensuite l’attention sur les événements récents illustrant la nécessité d’une révision de la politique diplomatique. En 2023, des résidents légaux en République Dominicaine ont été torturés ou abattus par des membres de la police nationale dominicaine, avec des cas emblématiques comme celui de Dieumil Charles. En mai 2024, des membres des forces armées et des agents de la Direction Générale de la Migration (DGM) dominicaine ont violemment frappé des travailleurs d’une entreprise sucrière à Barahona, tuant l’un d’eux en réponse à une manifestation dénonçant les mauvais traitements quotidiens et réclamant leurs salaires impayés.

Malgré les dénonciations de ces traitements sévères par des organisations locales et internationales, les diplomates haïtiens en République Dominicaine et le gouvernement haïtien à Port-au-Prince sont restés silencieux. Cette inaction souligne l’inefficacité de la politique diplomatique actuelle et la nécessité d’une approche plus proactive pour défendre les droits des ressortissants haïtiens.

Vincent propose plusieurs mesures pour mettre fin aux violations des droits des migrants haïtiens et des Dominicains d’origine haïtienne. Il recommande de renforcer les capacités consulaires pour mieux protéger les ressortissants haïtiens, d’engager un dialogue diplomatique avec la République Dominicaine pour traiter les questions de discrimination et de mauvais traitements, et de mobiliser la communauté internationale pour faire pression sur la République Dominicaine.

Il préconise également des campagnes de sensibilisation et des accords bilatéraux de protection des migrants. Les conventions internationales, telles que celles sur les droits des travailleurs migrants, les réfugiés, et l’élimination de la discrimination raciale, ainsi que la Déclaration universelle des droits de l’homme, fournissent une base juridique pour ces actions. En s’appuyant sur ces conventions et accords, Haïti peut renforcer ses efforts pour protéger les droits de ses ressortissants et des Dominicains d’origine haïtienne.

Vincent souligne également une vérité irréfutable : les droits des immigrants haïtiens sont gravement violés par leur propre gouvernement. En République Dominicaine, la représentation diplomatique haïtienne échoue à fournir les documents nécessaires pour la libre circulation et le renouvellement des visas et des résidences. Malgré des décennies de résidence et d’énormes sacrifices financiers, de nombreux Haïtiens ne parviennent pas à obtenir des actes de naissance, des extraits d’archives ou des passeports, même après avoir payé des frais, y compris des frais d’urgence.

‘‘Des ONG locales et internationales ont dépensé des sommes considérables pour aider ces immigrants, mais les autorités haïtiennes n’ont toujours pas délivré les documents après des mois, voire des années. Cette incapacité de la représentation diplomatique haïtienne offre malheureusement des prétextes aux autorités dominicaines pour continuer à discriminer les Haïtiens, mettant en danger leur vie, leurs emplois et les investissements qu’ils ont réalisés. Vincent estime qu’un audit sur la gestion de la représentation diplomatique haïtienne en République Dominicaine pour les dix dernières années est indispensable’’, ecrit-il.

Vincent appelle à des mesures urgentes pour réformer et renforcer la politique diplomatique d’Haïti envers la République Dominicaine, mieux défendre les droits des Haïtiens vivant dans ce pays et leur fournir les services de qualité auxquels ils ont droit.