Port-au-Prince, dimanche 3 octobre 2021- L’enquête sur l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse est au point mort au niveau de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), a appris RHINEWS.
L’enquête n’a pas bougé depuis que la DCPJ a transmis officiellement son rapport d’investigation préliminaire au commissaire du gouvernement pour les suites de droit, a-t-on appris auprès d’une source qui a requis l’anonymat.
Les mandats émis à l’encontre d’individus suspectés dans le meurtre de Jovenel Moïse ne sont pas exécutés et les concernés ne se sont jamais inquiétés, a souligné la source.
Au contraire, a-t-elle précisé, ces individus ne font véritablement l’objet d’aucune recherche policière. Quant au cerveau intellectuel présumé du crime, Joseph Félix Badio, non seulement il serait libre de ses mouvements sur le territoire national, mais il serait même protégé par des autorités du gouvernement et de la police.
Si des présumés assassins de Jovenel Moïse ne s’inquiètent pas, les enquêteurs de la DCPJ quant à eux, doivent prendre leurs jambes à leur coup pour échapper aux menaces de mort et persécutions provenant d’éléments du haut commandement de la PNH.
Depuis vendredi 1e octobre, des enquêteurs de la DCPJ ayant travaillé sur l’assassinat de Jovenel Moïse sont convoqués par l’inspection générale de la police nationale d’Haïti (IGPNH) pour s’expliquer sur la fuite du rapport partiel de la DCPJ, a informé la source.
Le document a déjà été fuité et des ténors du PHTK et ‘‘jovenelistes’’ en disposaient et l’auraient utilisé pour faire chanter les enquêteurs, selon la source qui a déploré que rien n’ait fait au niveau de la hiérarchie policière pour protéger ces derniers.
‘‘C’est sur demande du directeur général intérimaire de la PHN, Léon Charles que l’IGPNH a décidé de convoquer les enquêteurs de la DCPJ afin de les intimider pour que l’enquête ne remonte pas jusqu’à certains individus bien placés au plus haut niveau de l’Etat,’’ a encore précisé la source.
Léon Charles fait partie de ceux qui sont considérés comme auteurs, co-auteurs ou complices présumés dans l’assassinat de Jovenel Moïse.
‘‘En ce qui a trait aux présumés auteurs, coauteurs ou complices de ces actes répréhensibles, les premières informations recueillies ont permis de savoir que le Président Jovenel MOÏSE avait eu le temps d’alerter différents responsables de l’institution policière notamment le Commissaire Divisionnaire Jean Laguel CIVIL, Coordonnateur de la Sécurité Présidentielle ; le Commissaire de Police Dimitri HERARD, Responsable de l’USGPN ; le sieur Léon CHARLES, DGPNH ; et l’Inspecteur Général André Jonas Vladimir PARAISON. Au cours de ses appels au secours, la victime avait fait part des fortes détonations aux alentours de son domicile et d’une attaque imminente de sa résidence, et avait ordonné aux susnommés de lui envoyer des renforts, car sa vie en dépendait,’’ (extrait du rapport partiel d’enquête de la DCPJ, p 108).
Frustrés, menacés de morts, des enquêteurs de la DCPJ ne se sentant protégés par leurs supérieurs ont déjà quitté le pays pour se mettre en sécurité, a indiqué la source.
Depuis 2019, plus d’une vingtaine d’enquêteurs de la DCPJ dont dix (10) pour la seule année 2021, ont quitté l’institution en raison des obstacles qu’ils ont rencontrés dans leur travail, a encore déclaré la source.
Elle a informé que des policiers de la DCPJ qui enquêtaient sur le présumé chef de gang de Torcelle, Vitelhomme Innocent, ont dû abandonner l’investigation et certains ont dû fuir le pays après que la justice de la Croix-des-Bouquets en complicité avec de hauts gradés de la PNH les aient fait convoquer à l’IGPNH.
Selon la source la frustration s’accumule et la grogne monte parmi les enquêteurs de la DCPJ qui ne reçoivent pas de per diem lorsqu’ils doivent se déplacer en province dans le cadre d’une enquête, pourtant il y a des provisions dans le budget de la PNH.
Ils doivent se nourrir et assurer leur logement durant leur séjour en province à partir de leurs propres fonds. Une anomalie qui expose ces enquêteurs à toute sortes de tentation, a déploré la source qui vante le professionnalisme et la détermination de ces policiers qui travaillent dans des conditions extrêmement difficiles.
La source a également déploré qu’il y ait une volonté de certains individus au niveau de la chaine sécuritaire et du gouvernement qui sont en train de tout manigancer empêcher l’aboutissement de l’enquête sur l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse.
Elle a souligné que c’est ce qui a fait que les enquêteurs ont du mal à arriver sur ceux qui auraient financé l’assassinat de Moïse, arguant qu’au moins deux banques de la place seraient concernées par cette affaire.
Les greffiers ayant travaillé sur le dossier font également l’objet de graves menaces de mort. Quant à Me Carl-Henry Destin, Suppléant Juge au Tribunal de Paix de la commune de Pétion-Ville, qui a fait le constat du crime, il a été contraint de quitter le pays.
Jovenel Moïse, ancien président d’Haïti, a été assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 en sa résidence à Pèlerin 5, par un commando de mercenaires colombiens et d’américains originaires d’Haïti.
Au moins quarante-sept (47) suspects dont une quinzaine de policiers haïtiens ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête ouverte sur ce crime.