Devoir de mémoire : Roi Henry 1er se tire : Le suicide d’un éminent contre un déchoucage imminent

Prof. Jean Rony Monestime Andre

Par Jean Rony Monestime André,

New-Jersey, 8 octobre 2020– Il s’est fait un nom. Le grand bâtisseur. L’unique roi. Le progressiste. Le visionnaire. Cependant, Henry Christophe ne détient pas que la louange ; il se macule de critiques pour sa rigidité, son anti-bossalité, son élitisme, voire son complotisme. Ce qui crée une page ombrageuse sur sa vie. Bien des récits tonitruants sont légués à sa postérité. Sur le drame du Pont-Rouge, on ne lui pardonne pas sa quiétude ; sur la tragédie de Faussé-Limonade, on ne l’innocente jamais. Autrement dit, c’est entre l’éloge et le reproche qu’oscille la réputation du roi.

C’est un Christophe très impopulaire qui assiste au Te Deum du 15 août 1820, à l’église de Limonade (Dorsainvil, 1942). Au lieu de se rendre traditionnellement au Cap-Henry pour la Notre-Dame, il a dû visiter la Grande Sainte-Anne qui ne fête pas pourtant.

La Rigidité                                                                                                                                     

En dehors de sa prospérité qui implore son acclamation, le Royaume-du-Nord a fait couler assez de larmes pour sa noyade. L’injuste condamnation-à-mort du colonel Paulin de Saint-Marc et l’assassinat de Capois crispent bien des citoyens du royaume. Ces décisions fratricides créent un sentiment d’inimitié même parmi des soldats de la Garde Royale.

L’Anti-Bossalité

Mais c’est surtout le vieux contentieux des bossales qui incarnent l’insurrection. En été 1802, sous les ordres de Leclerc, les indigènes Dessalines, Clervaux et Christophe, après leur capitulation, ont massacré des bossales parmi eux Sans-Souci, Petit-Noël Prieur, Charles Bel-Air et sa femme Sanite, sous prétexte de mater la rébellion post-Crête-à-Pierrot. Aimé Césaire peint ce regrettable autre-jour avec précision : « En vain, Leclerc lança-t-il Dessalines contre les insurgés. Dessalines disperse, désarme, pend ; mieux, il fait arrêter et exécuter Bel-Air, en qui, sans doute, il redoute un rival. Mais la révolte est indomptable et l’incendie continue de courir » (Césaire, p.334,1981).

L’élitisme

Christophe, le domestique, le boulanger et le travailleur à l’hôtel la Couronne du Cap-Français (Cap-Haitien), conserve son penchant pour les élites. Il garde, peut-être, le souvenir de ses nuits de serveur des riches planteurs coloniaux. Se proclamant roi du nord, en 1811, il ne tarde pas à créer une noblesse ruineuse et vaniteuse :4 princes, 8 ducs, 22 comtes, 40 barrons et 14 chevaliers (Clive, 2007). Ce genre d’extravagance fait des jaloux. De nombreux citoyens blâment les viveurs du royaume comme les Dupuy et les Zéphyr qui bénéficient de vastes terrains dans le nord, aux yeux des masses pauvres. Ce latifundium christophien contribue à une haine contre sa monarchie.

Le Complotisme

L’assassinat de Dessalines est le plus grand témoin du conspirationnisme de Christophe. Dans une correspondance, le 24 décembre1806, Pétion lui écrit : « …le peuple, en abattant le tyran à la journée à jamais mémorable du 17 octobre, n’a pas fait la guerre pour tuer un homme, mais bien pour détruire la tyrannie et pour changer la forme d’un gouvernement… » (St-Rémy, P. 182-184, 1864). En d’autres termes, le général Pétion confirme le désir de changer de régime partagé par Henry Christophe. Et, abattre Dessalines en était le moyen sûr

En été 1820, l’enfer du roi commence sur terre. Il est paralysé à la suite de son apoplexie (AVC/ stroke) dans l’église de Limonade, le 15 août ; on ne cesse de répandre les rumeurs de conspiration ; les défections de soldats vont croissant.

À l’aube du mois d’octobre 1820, la vie devient amère pour le monarque. Il ne lui reste qu’un faible cénacle de loyaux tandis que les masses se mobilisent pour envahir et piller le palais de Sans-Souci. Devant ce piteux destin, loin des yeux, à l’insu de son cercle intérieur, le roi a dû se donner la mort, en se tirant une balle au cœur, le 8 octobre à l’âge de 53 ans. Le roi est mort, vive son génie ! Henry Christophe demeure, quand même, le modèle le plus ambitieux qui pourra servir de guide à un vrai développement d’Haïti.

Références

Césaire, A. (1981). Toussaint Louverture : la Révolution Française et le problème colonial.

Editions Présence Africaine. Paris, France

Clive, C. (2007), The armorial of Haiti: symbols of nobility in the reign of Henry

Christophe, London: The College of Arms

Dorsainvil, J. (1942) Histoire d’Haïti. Port-Au-Prince. Haïti

St- Remy, J. (1864). Pétion et Haïti, pages 182-183-184

 

Prof. Jean-Rony Monestime André

Adjunct Professor, Seton Hall University & Bloomfield College, NJ

BA-en Conn. Générales ; BS en Médecine Nucléaire

CRA-Clinical Research Associate

MHA-Master’s in Healthcare Administration

PhD-Doctorant en Science de la santé

Email: jean-rony.andre@shu.edu