Par Jude Martinez Claircidor
LAROCHELLE (France), mardi 14 mai 2024– La commémoration de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, tenue cette année à La Rochelle, a revêtu une importance particulière. En déplaçant cet événement symbolique hors de Paris, le gouvernement d’Emmanuel Macron souhaitait adresser un message clair au monde, notamment en exprimant sa solidarité envers le peuple noir, notamment celui d’Haïti, qui a été durement touché par l’esclavage colonial des siècles passés.
La Rochelle, deuxième port négrier de France après Nantes, a été le théâtre du départ de 450 navires ayant transporté environ 160 000 hommes, femmes et enfants à travers l’Atlantique dans des conditions inhumaines. Pour marquer cette histoire douloureuse, Gabriel Attal a inauguré une statue monumentale en bronze de deux mètres de haut, représentant une nourrice esclave nommée Clarisse. Cette œuvre, réalisée par l’artiste haïtien Woodly Caymitte, connu sous le nom de Filipo, met en lumière le rôle souvent négligé des femmes esclaves dans cette période sombre de l’histoire.
Lors de cet événement, le Premier Ministre Gabriel Attal a souligné les liens historiques étroits entre la France et Haïti, rappelant que son indépendance fut acquise au prix d’une résistance farouche. Il a également exprimé la solidarité de la France face à la crise actuelle que traverse Haïti
Pour sa part, Jean-François Fountaine, Maire de La Rochelle, a appelé la France à assumer sa responsabilité envers Haïti, évoquant la nécessité de solder la dette envers cette île des Caraïbes. Cette demande rejoint celle de l’ancien Premier Ministre français Jean-Marc Ayrault, qui appelle la France à s’engager dans une démarche de réparation envers le peuple haïtien, notamment en reconnaissant et en compensant les injustices historiques, y compris l’indemnisation forcée imposée par Charles X aux anciens esclaves d’Haïti.
Dans le même temps, l’ambassadeur d’Haïti en France, Jean Josué Dahomey, a insisté sur l’urgence d’accorder une attention accrue à la situation actuelle d’Haïti et de mobiliser des moyens plus importants pour relever les défis auxquels le pays est confronté.
Cette journée à La Rochelle a ainsi été l’occasion de réaffirmer l’importance de se souvenir du passé tout en reconnaissant les responsabilités présentes et en œuvrant pour un avenir plus juste et solidaire.
Une coalition composée d’une vingtaine d’ONG estime que la France doit plus de 100 milliards de dollars à l’île des Caraïbes. Ces groupes ont exprimé leur appel lors d’un forum de l’ONU à Genève en avril dernier, destiné aux personnes d’ascendance africaine (PFPAD), cherchant à établir une nouvelle commission indépendante pour superviser la restitution de la dette, qu’ils qualifient de rançon.
En 1804, Haïti est devenue la première de la région à obtenir son indépendance après une révolte des esclaves. Cependant, la France a imposé d’importantes réparations pour les revenus perdus. Après deux décennies à tenter de “récupérer” cette ancienne colonie, considérée comme la plus riche du monde, Charles X, nouvellement installé sur le trône, tranche. Dans une ordonnance datée du 17 avril 1825, il “concède” à l’État naissant son indépendance contre une indemnité de 150 millions de francs-or pour dédommager les anciens colons, ainsi que l’assurance d’échanges commerciaux privilégiés en faveur de la France. Cette dette ne fut totalement remboursée qu’en 1947.
Ces organisations estiment que le paiement de cette dette est en grande partie à l’origine de la situation de misère et de précarité dans laquelle se trouve actuellement Haïti.
La France devra-t-elle rembourser des milliards de dollars en réparations à Haïti pour couvrir une dette que les personnes autrefois asservies ont été contraintes de payer en échange de la reconnaissance de l’indépendance de l’île ? C’est ce qu’a déclaré jeudi 18 avril une coalition d’environ 20 organisations non-gouvernementales à Genève pour le Forum permanent des Nations Unies pour les personnes d’ascendance africaine (PFPAD), qui cherche à mettre en place une nouvelle commission indépendante pour superviser la restitution de la dette, qu’ils qualifient de rançon.