Des parlementaires américains exhortent Homeland Security et le Département d’État à freiner le trafic illégal d’armes vers Haïti…

Elizabeth Warren, senatrice du Massaschusetts, Gregory Mees, depute distric de l'Etatde New-Yor et Scheila Cherfilus McCormic , depute du district 20 de l'Etat de la Floride...

WASHINGTON, vendredi 27 septembre 2024– Dans une correspondance adressée aux principaux responsables de la sécurité et de la politique étrangère des États-Unis, notamment au secrétaire du Département de la Sécurité intérieure (Homeland Security), Alejandro Mayorkas, à la secrétaire au Commerce, Gina Raimondo, au secrétaire d’État, Antony Blinken, ainsi qu’au procureur général Merrick Garland, un groupe de parlementaires américains a exprimé son inquiétude face à l’ampleur du trafic d’armes des États-Unis vers Haïti.

Cette initiative survient dans un contexte où la situation en Haïti s’aggrave rapidement, en grande partie en raison du flux incessant d’armes à feu illégales en provenance des États-Unis, ce qui alimente directement la violence croissante des gangs dans le pays.

Les parlementaires, préoccupés par l’impact dévastateur de cette crise sur la population haïtienne, ont exprimé leur inquiétude concernant la facilité avec laquelle des armes à feu de haute puissance, notamment des fusils d’assaut tels que les AK-47 et AR-15, sont acheminées illégalement depuis les États-Unis vers Haïti.

Selon eux, la prolifération de ces armes contribue non seulement à l’instabilité dans le pays, mais complique également les efforts de la communauté internationale et des autorités haïtiennes pour rétablir un semblant d’ordre et de sécurité. « Haïti est devenu une destination majeure pour les armes illégales trafiquées depuis notre territoire, et cela doit cesser », souligne la lettre, qui appelle à des mesures immédiates et renforcées de la part du gouvernement américain pour endiguer ce fléau.

Les armes à feu entrant en Haïti proviennent en grande partie de la Floride, du Texas et de plusieurs autres États où les lois sur les armes à feu sont relativement souples et où les contrôles à l’exportation sont souvent insuffisants pour empêcher le trafic.

Selon des rapports récents, ces armes passent par des circuits clandestins bien organisés, notamment des conteneurs maritimes et des ports mal surveillés, pour atteindre Port-au-Prince, puis être distribuées aux gangs armés qui contrôlent une grande partie du territoire haïtien. En dépit des efforts du gouvernement américain pour intercepter ces cargaisons, les réseaux criminels parviennent à exploiter des failles dans le système de contrôle des exportations.

La lettre mentionne également l’inefficacité de certaines mesures mises en place jusqu’à présent, telles que les programmes de coopération entre les forces de l’ordre américaines et haïtiennes, qui n’ont pas réussi à enrayer la vague d’exportation d’armes illégales. Le marché noir des armes en Haïti, selon des sources proches des autorités locales, est en pleine expansion. Le prix d’un fusil d’assaut, qui peut être acheté pour quelques centaines de dollars aux États-Unis, atteint souvent plusieurs milliers de dollars une fois qu’il arrive sur le sol haïtien. Ces profits exorbitants continuent de motiver les trafiquants à contourner les lois en vigueur.

Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, Haïti est plongé dans une spirale de violence qui semble inextricable. Les gangs armés, devenus des acteurs centraux dans la gestion de nombreuses régions du pays, se sont multipliés et renforcés, principalement grâce à l’accès illimité à des armes puissantes. Aujourd’hui, près de 200 gangs sont recensés à travers le pays, dont la plupart contrôlent des zones stratégiques de la capitale et des villes environnantes, rendant pratiquement impossible tout déplacement en dehors de certains quartiers sécurisés.

Les parlementaires américains, dans leur lettre, citent plusieurs rapports des Nations Unies et d’organisations locales, qui estiment que les gangs armés en Haïti comptent des milliers de membres lourdement armés, surpassant largement en nombre et en puissance la Police nationale haïtienne (PNH), qui peine à contenir la violence.

« La police haïtienne est désespérément sous-équipée et sous-financée, ce qui laisse le champ libre aux gangs pour imposer leur loi dans de vastes zones du pays », dénoncent les parlementaires. En conséquence, la population haïtienne est prise en otage par des actes de violence qui se manifestent sous diverses formes, allant des kidnappings aux exécutions sommaires.

Les chiffres sont alarmants : en 2023 seulement, plus de 2 000 personnes ont été tuées dans des affrontements liés aux gangs et aux violences armées. Plus de 360 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, fuyant les zones de conflit pour se réfugier dans des quartiers relativement plus sûrs ou même dans des camps de fortune, où les conditions de vie sont extrêmement précaires.

Cette crise humanitaire se conjugue à une crise sécuritaire qui pousse chaque jour de plus en plus de citoyens haïtiens à risquer leur vie en tentant de fuir le pays, souvent par la mer, pour chercher refuge dans les pays voisins, notamment aux États-Unis, en République dominicaine ou aux Bahamas.

Face à cette situation alarmante, les parlementaires américains réclament une révision en profondeur des politiques actuelles en matière de contrôle du trafic d’armes. Ils proposent notamment d’accroître les ressources allouées aux agences américaines responsables de l’interception des cargaisons d’armes à destination d’Haïti, mais aussi de renforcer la coopération avec les autorités portuaires des pays voisins, tels que la République dominicaine, pour prévenir l’entrée d’armes sur l’île par d’autres routes.

Ils appellent également à une surveillance accrue des circuits financiers associés à ces transactions illicites, en particulier en ce qui concerne le blanchiment d’argent, souvent lié aux profits générés par le trafic d’armes. « Nous devons frapper les trafiquants là où cela leur fait le plus mal : leur portefeuille », estiment les parlementaires dans leur lettre. Ils recommandent également une mise à jour des lois fédérales sur le contrôle des armes à feu afin de combler les lacunes qui permettent aux trafiquants d’exploiter certains États moins stricts en matière de réglementation.

La correspondance insiste sur l’importance d’un appui plus significatif aux forces de sécurité haïtiennes. « Les États-Unis ont une responsabilité envers Haïti, qui souffre de l’impact direct de nos politiques défaillantes en matière de contrôle des armes. Nous devons faire davantage pour soutenir les autorités haïtiennes, que ce soit par une aide matérielle ou une assistance technique, afin qu’elles puissent reprendre le contrôle des territoires actuellement sous l’emprise des gangs. »

Cette correspondance des parlementaires américains pourrait marquer un tournant dans l’approche des États-Unis face à la crise haïtienne. Alors que la situation continue de se détériorer, la pression s’accroît sur l’administration Biden pour qu’elle prenne des mesures concrètes afin de limiter les effets dévastateurs du trafic d’armes illégales. Toutefois, il reste à voir si ces recommandations seront suivies d’actions tangibles, et si elles pourront réellement contribuer à stabiliser un pays au bord du gouffre.

Dans cette correspondance, les parlementaires mettent en avant l’urgence d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie inter-agences visant à stopper le flux illégal d’armes vers Haïti. Cette initiative requiert une coordination accrue entre les départements suivants : le Département d’État, le Département du Commerce, le Département de la Sécurité intérieure (DHS), et le Département de la Justice (DOJ). L’objectif est d’enquêter, de partager des informations et d’appliquer des lois pour perturber le trafic d’armes non seulement vers Haïti, mais également dans l’ensemble des Caraïbes.

Les parlementaires ont demandé que les agences collectent et rapportent au Congrès des données sur les tendances d’exportation d’armes, de trafic d’armes, ainsi que sur les efforts déployés pour interrompre les exportations illégales. Cela comprend des données concernant le travail du Coordinateur des poursuites judiciaires pour les armes à feu dans les Caraïbes, HSI (Homeland Security Investigations) et les Unités d’enquête criminelle transnationale (TCIU) en Haïti et dans d’autres régions des Caraïbes. L’objectif est de révéler d’éventuels manques d’autorité ou de ressources nécessaires pour mettre un terme à la complicité des États-Unis dans cette crise continue.

Cette stratégie est intégrée dans le cadre de la loi ARMAS (Americas Regional Monitoring of Arms Sales), qui a été introduite à la fois à la Chambre des représentants et au Sénat. Cependant, les parlementaires soulignent que l’administration n’a pas besoin d’une nouvelle législation pour avancer dans le développement de cette stratégie. Ils exhortent donc l’administration à agir immédiatement en s’appuyant sur les autorités existantes, notamment celles relatives à la Bipartisan Safer Communities Act, qui aborde les achats d’armes en paille.

Les signataires insistent sur le fait que la crise en Haïti nécessite une attention soutenue et immédiate de la part du gouvernement américain. « Les conditions actuelles en Haïti sont insoutenables. Le temps presse pour prendre des mesures qui sauvent des vies et permettent à Haïti de retrouver un avenir paisible et prospère », concluent-ils.