Port-au-Prince, jeudi 24 février 2022- De nombreuses organisations de défense des droits humains mettent en garde le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), contre tout accroc aux dispositions constitutionnelles relatives à la nomination des Juges à la Cour de Cassation.
Dans une correspondance au secrétaire technique du CSPJ, Jean Robert Constant, le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique de facto, Bertho Dorcé, a demandé Conseil de choisir 3 Juges sur une liste de 9 à lui soumise, pour empêcher, dit-il, le dysfonctionnement de la Cour de Cassation de la République.
Réagissant à cette démarche, les organisations indiquent dans un communiqué conjoint que, ‘‘dans une réponse ambiguë au Ministre de facto, le CSPJ affirme que : « Réuni à l’extraordinaire, le Conseil a décidé, par une résolution, de ne pas donner suite à cette requête vue que son rôle se limite seulement à donner son avis sur une liste déjà constituée, par qui de droit, de trois (3) candidats par poste à pourvoir conformément à la législation en vigueur ».
Selon les signataires, le 17 février 2022, une rencontre s’est tenue entre le CSPJ et le gouvernement de facto au cours de laquelle il a été décidé de changer de stratégie. En ce sens, soulignent-elles, le 18 février 2022, le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique de facto a lancé un appel à candidature pour la soumission, dans le plus bref délai, de dossiers de candidature au siège du Ministère, en vue de combler les postes vacants à la Cour de Cassation.’’
Les organisations estiment que les conditions constitutionnelles et légales pour combler les sièges vacants à la Cour de Cassation sont inexistantes d’une part, et, d’autre part, l’actuel CSPJ installé en marge de la loi par le Premier Ministre de fait Ariel Henry se trouve actuellement dans l’impossibilité de tenir légalement et valablement séance puisqu’il ne dispose ni de Président ni de Vice-président.
Elles précisent que le mandat du Magistrat Frantzi Philémon étant arrivé à terme, il n’est désormais plus Juge à la Cour de Cassation.
Elles soulignent que selon l’article 175 de la Constitution de 1987 amendée, actuellement en vigueur, « Les juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la République sur une liste de trois (3) personnes par siège soumise par le Sénat. »
Il s’agit donc d’une prérogative sénatoriale qui ne peut souffrir d’aucune intervention intempestive d’un pouvoir exécutif monocéphale de facto, écrivent-elles.
Les organisations signataires dénoncent ‘‘le caractère hautement inconstitutionnel, illégal de cette démarche engagée par le gouvernement de facto dirigé par Ariel Henry pour combler des sièges vacants à la Cour de Cassation, et dont l’objectif réel, selon elles serait de contrôler un peu plus, le pouvoir judiciaire haïtien.’’
Elles demandent au CSPJ de se démarquer de cette démarche illégale, de clairement signifier au gouvernement de facto qu’il ne se fera pas complice de la violation de la Constitution haïtienne ni n’encouragera pas la mainmise de l’exécutif sur le judiciaire.
Selon les organisations signataires, dans le contexte actuel caractérisé par la crise de gouvernance, l’absence de légitimité et l’inexistence même des 3 pouvoirs de l’État, les organisations de droits humains et féministes restent persuadées que c’est uniquement à travers un véritable consensus entre les forces vives de la Nation que des solutions provisoires ou ponctuelles puissent être trouvées.
‘‘Le détournement de la constitution et de la loi auquel s’adonne le gouvernement de facto pour combler les sièges vacants à la plus haute juridiction de justice du pays ne pourra nullement engager la République ni le prochain gouvernement légitime qui devra être issu d’un scrutin crédible,’’ préviennent-elles.
Organisations signataires : Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains (POHDH), Commission Episcopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP), Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Bureau des Avocats Internationaux (BAI), Sant Karl Levêque (SKL), Fondation Groupe d’Alternatives et de Justice (FGAJ), Programme Alternatif Justice (PAJ),Mouvement des Femmes Haïtiennes pour l’Éducation Développement (MOUFHED), Kay Fanm, Solidarite Fanm Ayisyèn (SOFA), Conseil Haïtien des Acteurs non Etatiques (CONHANE).