Des organisations de défense des droits humains demandent la nomination d’un Protecteur ou d’une Protectrice des Citoyens en remplacement de Renan Hédouville, dénonçant une gestion controversée de l’OPC…

Renan Hédouville, Protecteur du Citoyen

PORT-AU-PRINCE, mercredi 30 octobre 2024– Plusieurs organisations féministes et de droits humains, dont le Centre de Recherche et de Formation Économique et Sociale pour le Développement (CRESFED), la Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains (POHDH) et Solidarité Fanm Ayisyèn (SOFA), ont adressé une correspondance à Lesly Voltaire, coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), pour solliciter la nomination d’un Protecteur ou d’une Protectrice intérimaire des Citoyens. Cette demande, motivée par la fin du mandat de Me Renan Hédouville à la tête de l’Office de la Protection du Citoyen (OPC), met en avant des préoccupations graves quant à la gestion de cette institution.

Les signataires soulignent que la gestion de l’OPC sous l’autorité de Renan Hédouville a été marquée par des pratiques de népotisme et de favoritisme dans le recrutement et la promotion du personnel. Ils précisent que des membres de la famille et des proches de Hédouville ont obtenu des postes stratégiques sans appel public à candidature, ce qui, selon eux, constitue une violation du décret du 17 mai 2005 sur la fonction publique. Parmi les cas spécifiques cités, Yolande Mayard Joseph occupe le poste de directrice générale de l’OPC, tandis que ses proches, Mimose Mayard et Olson Mayard, occupent respectivement des fonctions de coordonnatrice de protection sociale et de chef de services et de documentation. Ils indiquent également que Yolande Mayard Joseph réside au Canada depuis octobre 2023 tout en continuant de bénéficier des privilèges liés à son poste, et qu’Olson Mayard a été promu au détriment de cadres qualifiés.

En outre, la correspondance met en lumière un manque d’accès aux opportunités de formation à l’extérieur pour les employés de l’OPC. Les organisations affirment que seuls les proches de Hédouville ont participé aux missions internationales, et que des chèques de perdiem et des fonds destinés aux déplacements non effectués n’ont pas été restitués au trésor public.

Un autre point critique porte sur la gestion de projets en partenariat avec des organisations internationales, comme celui entre l’OPC et Avocats Sans Frontières Canada (ASFC) dans le cadre du projet Accès à la Justice et Lutte contre l’Impunité en Haïti (AJULIH). Ce partenariat a été rompu en raison d’une mauvaise gestion et de détournement de fonds, avec ASFC exigeant un remboursement de plus de deux millions de gourdes et de 139 dollars américains pour des dépenses non justifiées. Cette rupture a conduit à la cessation des contrats de dix agents de terrain. Les signataires ajoutent que des prélèvements effectués sur les salaires des employés liés à ce projet n’ont pas été versés à la Direction Générale des Impôts (DGI).

Les organisations dénoncent également le non-respect de l’obligation légale de publier des rapports annuels sur les activités de l’OPC et sur la situation des droits humains en Haïti. Depuis 2018, aucun rapport n’a été rendu public, une situation qui a affecté la crédibilité de l’institution. Cette absence de transparence a contribué à la non-renouvellement de l’accréditation de l’OPC par le Sous-Comité d’Accréditation de la Global Alliance of National Human Rights Institutions (GANHRI), qui a reporté l’évaluation à 2026 en raison de manquements aux standards internationaux de protection et promotion des droits humains.

Les signataires rappellent que, bien qu’il s’agisse d’une institution indépendante, l’OPC a soutenu en 2021 le projet de réforme constitutionnelle de l’ancien président Jovenel Moïse, affilié au Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK). Ce projet, largement contesté par la population haïtienne, a suscité des critiques et affaibli l’image de l’OPC en tant qu’organe impartial. Plus récemment, le 18 septembre 2024, Hédouville a été nommé membre de la Commission Vérité, Justice et Réparation, aux côtés de membres influents du PHTK, alimentant davantage les suspicions de collusion avec le régime.

Les organisations féministes et de droits humains signataires de la correspondance estiment que “les multiples manquements de l’OPC à sa mission de défense des droits citoyens imposent le remplacement immédiat de Renan Hédouville à la fin de son mandat, avec la nomination d’une personnalité compétente et intègre. Elles demandent également qu’une enquête soit menée pour écarter les suspicions de corruption pesant sur la gestion de l’institution.”