PORT-AU-PRINCE, mardi 18 juin 2024 – Selon Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), plusieurs directeurs d’organismes déconcentrés de l’État seraient systématiquement harcelés par des membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) pour leur verser de l’argent afin de conserver leurs postes.
Dans une interview accordée au Réseau Haïtien de l’Information (RHINEWS), Espérance, qui a préféré ne pas citer de noms pour le moment, a indiqué qu’au moins deux membres du CPT seraient impliqués dans ce chantage et harcèlement visant à extorquer de l’argent de manière frauduleuse. La nomination des directeurs généraux étant une prérogative constitutionnelle du président de la République et la fonction présidentielle est exercée actuellement par un conseil, les conseillers présidentiels incriminés menaceraient de procéder à des changements imminents dans l’administration publique pour pousser les directeurs souhaitant conserver leur fonction à collaborer en versant des sommes d’argent.
Selon M. Espérance, ces pratiques de vente de postes dans l’administration publique sont particulièrement fréquentes en Haïti et connues de tous. « C’est un acte de corruption grave et nous ne pouvons pas tolérer que le CPT, fraîchement investi du pouvoir, charrie en son sein des corrompus qui ternissent son image et sapent les efforts du peuple haïtien pour un changement de système et une transition de rupture. »
Outre les problèmes de corruption ou tentative de corruption, Espérance a dénoncé la composition du nouveau gouvernement qui, selon lui, ne respecte pas les engagements pris par Dr. Garry Conille. Il a également mentionné des manœuvres de certains secteurs qui, au lendemain de l’installation du CPT, ont tenté un coup d’État pour s’accaparer de la présidence et de la primature.
Selon lui, ce sont ces mêmes secteurs qui feraient obstacle à la mise en œuvre effective de l’accord du 3 avril 2024, refusant encore sa publication dans le journal officiel de la République, Le Moniteur. Espérance a insisté sur la nécessité de rendre l’accord public officiellement et de veiller à sa stricte application, soulignant la volonté de plusieurs acteurs de s’écarter dudit accord pour opérer selon leur propre agenda.
Exprimant sa crainte du maintien et du renforcement du statu quo, notamment avec une reprise totale du pouvoir par le régime PHTK et ses alliés, Espérance a rappelé que les mêmes secteurs qui cherchent à saboter l’application de l’accord s’étaient opposés farouchement à l’intégration de Fanmi Lavalas, du secteur privé et de l’accord de Montana dans le consensus ayant abouti à la mise en place du Conseil Présidentiel de Transition.
Selon Espérance, ces secteurs, jouissant de la complicité de la CARICOM, étaient plutôt favorables à une implication dans le pouvoir de transition de « nouveaux groupes émergents », c’est-à-dire les gangs armés sous prétexte qu’ils avaient des revendications politiques. « Certains secteurs représentés au CPT sont toujours très proches et entretiennent des relations étroites avec les gangs qui terrorisent la population », a déclaré Espérance, les accusant de vouloir remettre en question les termes de l’accord.
Pierre Espérance a non seulement appelé à la vigilance citoyenne pour le respect intégral de l’accord, mais aussi à éradiquer les pratiques de corruption, soulignant la nécessité d’effectuer un audit général des comptes publics. « La reddition des comptes et la transparence sont des obligations du pouvoir en place », a-t-il insisté.
La corruption a des conséquences dévastatrices sur le progrès et le développement d’Haïti. Elle sape la confiance des citoyens dans leurs institutions, détourne les ressources publiques et entrave les efforts de développement.
Les pratiques de corruption, comme celles dénoncées par Pierre Espérance, retardent les réformes nécessaires et maintiennent le pays dans un cycle de pauvreté et d’instabilité. Pour qu’Haïti puisse avancer, il est impératif d’éradiquer la corruption à tous les niveaux de l’État, de renforcer les mécanismes de transparence et de reddition des comptes, et de promouvoir une gouvernance intègre et responsable.
Au cours des dernières années, Haïti a occupé des positions très basses dans le classement mondial de l’indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International. En 2023, par exemple, Haïti était classé 170e sur 180 pays, avec un score de 19 sur 100, indiquant un niveau de corruption perçu comme extrêmement élevé. Cette position reflète l’ampleur du problème de la corruption dans le pays, touchant divers secteurs de la société et de l’administration publique.
L’absence de transparence dans la gestion des fonds publics est une problématique récurrente en Haïti. Les mécanismes de contrôle et de reddition de comptes sont souvent insuffisants ou inexistants, ce qui permet des détournements de fonds et autres actes de corruption sans répercussions. Cette situation est exacerbée par le manque de volonté politique et par la faiblesse des institutions chargées de lutter contre la corruption. Le manque de transparence financière freine le développement économique et social, car les ressources publiques sont mal gérées et détournées de leur objectif initial.
Pour que Haïti puisse progresser vers un développement durable et équitable, il est fondamental de renforcer les systèmes de transparence et de responsabilité, d’améliorer la gestion des finances publiques et de promouvoir une culture de gouvernance éthique et responsable.