PORT-AU-PRINCE, dimanche 17 novembre 2024 – Selon Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), trois conseillers-présidents accusés d’implication dans le scandale de corruption autour de la Banque Nationale de Crédit (BNC) orchestreraient des manœuvres pour obtenir le limogeage des directeurs généraux de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) et de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Ces conseillers, Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, sont soupçonnés de vouloir affaiblir ces institutions stratégiques en tentant d’écarter Hans Ludwig Joseph et Rameau Normil de leurs fonctions.
Pierre Espérance rapporte que ces conseillers, bénéficiant du soutien de certains membres non impliqués du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), auraient tenu une réunion le vendredi 15 novembre pour discuter de ces éventuels changements à la tête de l’ULCC et de la PNH. Il affirme également que des cadres supérieurs de la PNH auraient été approchés dans le but de remplacer Rameau Normil. « Ces conseillers cherchent à influencer les décisions du CPT en leur faveur, au détriment de la stabilité et de la lutte contre l’insécurité dans le pays », a déclaré Espérance.
Le scandale de la BNC, dans lequel ces trois conseillers sont indexés, concerne une affaire de corruption impliquant un montant colossal de 100 millions de gourdes. Bien que des investigations judiciaires soient en cours, Espérance insiste sur le fait que ces conseillers ne devraient pas être autorisés à jouer un rôle influent dans les affaires de l’État, car cela met en péril la crédibilité du Conseil et des institutions républicaines.
Selon Espérance, ces démarches visent également à entraver les efforts de la PNH dans sa lutte contre l’organisation criminelle “Viv Ansanm”. Cette dernière, dirigée par Jimmy Cherizier, alias Barbecue, continue de terroriser la population avec des moyens sophistiqués, surpassant même les capacités actuelles de la police. Il soutient que des cadres de la PNH auraient été encouragés à saboter les opérations en cours contre cette organisation pour justifier une éventuelle révocation du chef de la PNH. « Ces conseillers encourageraient même certains cadres de la PNH à saboter les opérations en cours contre cette organisation terroriste pour justifier une éventuelle révocation du chef de la PNH », a-t-il affirmé.
Espérance a appelé le CPT à adopter une position ferme en désignant officiellement “Viv Ansanm” comme une organisation terroriste. « Tous ceux qui, directement ou indirectement, collaborent avec cette organisation doivent être traités comme des terroristes », a-t-il insisté.
Pierre Espérance a également critiqué la position de Leslie Voltaire, président du CPT, qu’il accuse de soutenir fermement les trois conseillers impliqués dans le scandale de la BNC. Cette complicité, selon lui, pourrait compromettre les objectifs de la transition politique. « L’indulgence envers ces conseillers met en péril les efforts pour instaurer un État de droit », a-t-il déclaré.
Cette attitude complaisante affaiblit non seulement la lutte contre la corruption, mais aussi les efforts pour restaurer la confiance de la population dans les institutions étatiques. Espérance a appelé à des mesures immédiates pour renforcer la transparence et l’intégrité du CPT.
Dans ce contexte, Espérance recommande la création d’une unité anti-terroriste spécialisée, dotée de ressources adéquates et d’un personnel bien formé. « La lutte contre des organisations terroristes comme “Viv Ansanm” ne peut se faire efficacement sans une unité dédiée, équipée des meilleurs outils et renseignements », a-t-il précisé. Selon lui, c’est cette tâche que le CPT doit s’atteler, non à l’affaiblissement des institutions chargées de réprimer la corruption et la violence criminelle des bandes terroristes.
Il a également mis en garde contre l’utilisation inadéquate des fonds destinés au renseignement, insistant sur l’urgence de rediriger ces ressources vers des initiatives concrètes. « L’argent du renseignement ne doit plus être versé aux membres du CPT ou du gouvernement, mais utilisé pour collecter des informations stratégiques nécessaires à la sécurité nationale », a-t-il ajouté.
Pierre Espérance se réjouit que Bernard Sainvil n’ait pas été nommé ministre de la Justice dans le nouveau gouvernement, mais reste prudent quant à l’engagement du titulaire actuel. Il a appelé ce dernier à revenir sur des décisions controversées, notamment le retrait des délégués du ministère de la Justice du Comité Technique de Certification (CTC), une entité essentielle à la validation des magistrats. « Le système judiciaire est gangrené par la corruption et toutes sortes de lacunes. Sans une réforme sérieuse, il sera impossible de garantir l’État de droit en Haïti », a-t-il souligné.
Dans ses déclarations, Espérance a également mis en avant l’impact des luttes internes au sein du CPT sur la gestion de la transition. Il avertit que la complaisance envers des individus impliqués dans des scandales de corruption pourrait sceller l’échec du processus en cours. « Ils en porteront tous collectivement la responsabilité », a-t-il averti.
Pour conclure, Espérance appelle les autorités à rompre avec les pratiques de complaisance, en insistant sur la nécessité d’un engagement ferme contre la corruption et l’insécurité. « L’avenir d’Haïti repose sur une gouvernance responsable et une lutte sans compromis contre l’impunité », affirme-t-il, tout en soulignant que l’échec du processus de transition serait une catastrophe dont les responsables ne pourront se dédouaner.