WASHINGTON, DC, dimanche 9 octobre 2022– Dans une correspondance au président Joe Biden et au chef du département du trésor américain Janet Yellen, des congressmen (députés) se déclarent profondément préoccupés par les crises politiques et d’insécurité qui affectent la République d’Haïti.
Selon eux, depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, il y a plus d’un an, le pays est plongé dans une incertitude politique plus profonde où il n’y a toujours pas de président élu, de législateurs ou de maires.
Au nombre de douze, ces députés américains attirent l’attention de l’administration Biden sur le fait que, « le peuple haïtien est terrorisé, violé, assassiné et kidnappé quotidiennement par des gangs puissants financés et soutenus par de puissantes élites », ajoutant qu’au cours des derniers mois, l’insécurité généralisée a entraîné des protestations massives contre la complicité du gouvernement, l’incapacité à protéger les citoyens et une inflation élevée.
« Nous exhortons votre administration à imposer des sanctions en vertu de la loi Magnitsky mondiale aux auteurs connus et aux entités des secteurs privé et public responsables du financement de l’insécurité dans le pays. Nous devons annuler leurs visas et geler leurs avoirs. Ces actes constituent des menaces importantes pour la sécurité nationale des États-Unis et de toute la région », écrivent les parlementaires.
Ils précisent que, ‘‘ces sanctions doivent cibler les oligarques, les élites politiques, les politiciens corrompus, les citoyens américains et les résidents américains qui financent les exécutions extrajudiciaires, la torture et les enlèvements de ressortissants haïtiens innocents et, dans certains cas, de citoyens américains.’’
Les parlementaires ajoutent que, « Leurs actions ont entraîné une augmentation du flux de migration irrégulière. Nous avons l’obligation de perturber leur capacité à servir de forces déstabilisatrices tout en bénéficiant de la possibilité d’accéder librement aux institutions financières américaines et de prendre des vacances aux États-Unis ».
Ils rappellent que le jeudi 29 septembre 2022, la commission de la Chambre des affaires étrangères des États-Unis a tenu une audience intitulée « Haïti à la croisée des chemins : réponses de la société civile pour une solution dirigée par les Haïtiens », au cours de laquelle des témoins ont également recommandé d’imposer des sanctions ciblées.
Située à environ 700 miles de Miami, en Floride, Haïti a fait face à une insécurité sans précédent en raison de la violence des gangs et du flux illégal d’armes, soulignent-ils.
‘‘Selon le rapport mondial 2021 de Human Rights Watch, Haïti connaît l’une des pires flambées de violence depuis des décennies. Selon les Nations Unies, de janvier à mai 2022, les enlèvements ont augmenté de 36 % et les homicides de 17 %, font remarquer les élus américains.
« Les Haïtiens de tous âges font face à des gangs puissants qui règnent en toute impunité. Haïti continue d’avoir le taux d’enlèvements par habitant le plus élevé au monde. L’absence d’Etat de droit fait peser des menaces supplémentaires sur la responsabilité des auteurs », selon les congressmen.
Citant des organisations des droits humains et une institution américaine œuvrant sur le terrain, ils affirment que permis jusqu’à 200 gangs ont été recensés en Haïti, et ils contrôlent 60% de Port-Au-Prince, des ports et des routes clés, selon une étude commandée par l’Agence américaine pour le développement international (USAID).
‘‘Le gouvernement ne fonctionne pas pour répondre même aux besoins les plus élémentaires de ses citoyens. Les femmes et les filles sont plus vulnérables à la violence sexiste. La violence des gangs, y compris la violence sexuelle endémique, a fermé des écoles, des entreprises et des prestataires de soins de santé, restreignant considérablement les opérations de secours humanitaire’’, soulignent-ils.
Ils déclarent que, selon un récent rapport des Nations Unies, une vague de violence des gangs à Port-au-Prince à la mi-juillet 2022 a entraîné plus de 470 meurtres. En plus de ne pas avoir résolu l’assassinat de Moïse, les autorités haïtiennes n’ont pas encore arrêté plusieurs responsables haïtiens impliqués dans le massacre de La Saline, où 71 innocents ont été assassinés, où des femmes et des enfants ont été brutalisés, et plus de 400 maisons détruites, laissant de nombreux déplacés dans des conditions de vie précaires.
Ils citent également un rapport du réseau national de défense des droits humains (RNDDH), selon lequel, le 7 juillet 2022, une guerre a éclaté à Cité Soleil entre les gangs armés membres de deux (2) coalitions rivales. Ce conflit a fait plus de trois cents (300) personnes assassinées, au moins vingt-deux (22) personnes blessées par balle ou à l’arme blanche, environ cinquante-deux (52) femmes et filles violées, et un minimum de deux cent dix (210) maisons détruites.
Les violences ont déplacé plus de 9 000 (neuf mille) habitants. Les personnes déplacées par la violence vivent désormais dans des abris de fortune avec un accès limité à l’aide humanitaire et sont vulnérables à l’exploitation, toujours selon les parlementaires qui citent le rapport du RNDDH.
Citant d’autres rapports du RNDDH, de l’UNICEF et de l’OPC, les députés américains estiment que, la crise d’insécurité en Haïti est grave, et le peuple haïtien vit quotidiennement dans la terreur.
« Votre administration a l’obligation morale et légale d’utiliser tous les outils à sa disposition pour protéger la sécurité nationale et les intérêts stratégiques des États-Unis et de la région. Nous devons agir rapidement », lit-on dans cette correspondance des congressmen à l’administration Biden.