PORT-AU-PRINCE, vendredi 2 juin 2023– Dans un rapport, le réseau national de défense des droits humains (RNDDH) révèle que dans les juridictions de Port-au-Prince et de Croix-des-Bouquets, les commissariats et sous-commissariats font face à une surpopulation dans leurs cellules de rétention.
Le RNDDH estime que la situation des personnes retenues dans six (6) parmi dix commissariats et sous-commissariats visité au cours du mois de mai, est très préoccupante et mérite une intervention immédiate de l’appareil judiciaire haïtien.
Les dix (10) postes de police incriminés sont les commissariats de Pétion-ville, Port-au-Prince, Delmas 33, Tabarre, Pointe-à-Raquette et Anse-à-galets ; les sous-commissariats de Cazeau, Delmas 3 et Carrefour Cesselesse (Lilavois 48) ainsi que le poste de police de Gérald Bataille.
Le RNDDH affirme que jusqu’au 23 mai 2023, le commissariat de Port-au-Prince accusait un effectif de quatre-vingt-douze (92) personnes dont trente-huit (38) femmes et cinquante-quatre (54) hommes.
‘‘ Ils sont tous gardés dans deux (2) petites cellules de rétention ayant chacune une capacité maximale de dix (10) personnes, sans tenir compte des normes internationales en matière de privation de liberté, qui exigent un minimum de 2m250 de surface au sol par personne’’, souligne l’organisation.
Selon l’organisation, « ces cellules sont exiguës, sales et puantes. Elles dégagent des odeurs nauséabondes pouvant affecter la santé des retenus-es eux-mêmes, des agents de la PNH affectés à ce commissariat ainsi que celle des visiteurs ».
Elle précise que ‘‘certains retenus sont gardés audit commissariat depuis plusieurs mois, voire plus d’une année sur ordre du Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, qui, après les avoir auditionnés, les y a transférés. D’autres y sont maintenus sur ordre de la Section Départementale de la Police Judiciaire (SDPJ).’’
Le document du RNDDH souligne les 92 retenus pour la plupart, n’ont reçu aucune visite depuis leur arrestation.
‘‘Ils ne reçoivent donc ni nourriture, ni eau de leurs parents, comme cela a cours dans les centres de rétention du pays. Or, le commissariat de Port-au-Prince ne disposant d’aucun moyen pour ce faire, le retenu doit être pris en charge par ses parents et proches pour toutes questions d’alimentation et de santé’’, déplore l’organisation.
« Le 23 novembre 2022, une retenue enceinte de huit (8) mois, arrêtée en septembre 2022, a eu un malaise au sein même du commissariat. Conduite d’urgence à l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH), elle a été référée à un hôpital privé, pour des examens plus approfondis. Ces derniers ont révélé que le bébé qu’elle portait était mort et que la vie de la mère était en danger. Pour faire face aux frais engendrés par ces examens et les soins subséquents, des membres de la famille de la retenue ainsi que certains policiers ont collecté les fonds nécessaires. Aujourd’hui encore, cette retenue se trouve au commissariat de Port-au-Prince, sur ordre du magistrat Harry Jean-Paul », selon le RNDDH.
Le RNDDH souligne que ‘‘la situation est tellement grave que pendant la journée, certains retenus-es sont autorisés à utiliser le bureau du chef de poste pour souffler un peu. Au cours de la nuit, quelques femmes dorment dans ce bureau, sous la surveillance des agents-tes de la PNH qui y sont affectés.’’
Au sous-commissariat de Cazeau, la garde à vue sert de fait, de prison au Service Départemental de la Police Judiciaire (SDPJ) ainsi qu’au parquet près le Tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquets, indique l’organisation, soulignant que ‘‘pendant plus de trois (3) mois, six (6) femmes y sont maintenues dans une petite cellule, en situation de détention car, selon ce qui a été rapporté au RNDDH, des ordres de dépôt ont été émis à leur encontre cependant, elles ne peuvent être conduites à la Prison civile de Cabaret, en raison de la situation sécuritaire qui prévaut sur la route nationale # 2, notamment à Canaan.’’
L’organisation précise qu’au commissariat de Delmas 33, contrairement à Port-au-Prince, il n’y a pas beaucoup de retenus au commissariat de Delmas 33. Le 25 mai 2023, soutient-elle, seuls quelques agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) sont en isolement audit commissariat, parmi eux se trouve une femme.
Jusqu’au 29 mai 2023, cinq (5) hommes sont retenus au commissariat de Pointe-à-Raquette, l’un d’entre eux compte déjà quatre (4) mois de rétention alors que les autres sont gardés audit commissariat depuis un (1) mois.
Au commissariat de Tabarre, les deux (2) cellules de rétention du commissariat de Tabarre servent également de prison à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), au Service Départemental de la Police Judiciaire (SDPJ) ainsi qu’au Parquet près le Tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquets, écrit le RNDDH.
L’organisation indique qu’en date du 30 mai 2023, quarante-huit (48) hommes sont gardés audit commissariat dans des cellules aptes à recevoir au maximum, dix (10) personnes. ‘‘Et, pour pallier le manque d’espace, certains retenus ont amarré des draps dans les barrières des cellules, en forme d’hamac pour pouvoir se coucher. D’autres s’agrippent chaque soir dans les barrières des cellules et s’y maintiennent à l’aide de couvertures, pour pouvoir dormir.’’
Retenus depuis plusieurs mois, ‘‘ils se lavent une fois par jour et sont constamment enfermés dans leurs cellules qui dégagent une mauvaise odeur aggravée par la chaleur. Ils n’ont pas facilement accès aux commodités qui sont éloignées et doivent conséquemment, utiliser des gallons pour uriner et des plats en polystyrène expansé, pour déféquer’’, déclare le RNDDH.
Le document précise qu’au commissariat de l’Anse-à-Galets, en date du 30 mai 2023, six (6) personnes sont gardées à vue, dont cinq (5) hommes et une (1) femme. ‘‘Les hommes ont déjà passé entre six (6) et sept (7) mois en cellules de rétention alors que la femme compte déjà quatre (4) mois.’’
Selon le RNDDH, la situation qui prévaut dans plusieurs commissariats et sous-commissariats du département de l’Ouest est très alarmante et cause d’énormes préjudices aux personnes qui y sont retenues. Ces personnes sont gardées dans des conditions inhumaines, dégradantes, dans des centres de rétention sales, exigus et nauséeux, convertis en prison, en dépit du fait qu’ils n’aient été ni construits, ni aménagés à cette fin.
Il affirme que ‘‘les responsables des postes de police ainsi que certaines autorités judiciaires s’entendent pour affirmer que l’insécurité et les grèves à répétition au sein de l’appareil judiciaire sont les principales causes de cette situation dans les commissariats et sous-commissariats du pays.’’
Le RNDDH estime que les autorités étatiques n’ont, à date, manifesté aucune volonté réelle de rétablir la sécurité en Haïti. Elles ne semblent pas non plus animées de la volonté de donner suite aux justes revendications d’amélioration des conditions de travail du personnel judiciaire et offrir ainsi à la Justice, la sérénité dont elle a besoin pour pouvoir fonctionner.
L’organisation juge regrettable qu’aujourd’hui, des agents-tes de police administrative soient, par la force des choses, mués en gardiens de prisons alors qu’ils n’ont reçu aucune formation en ce sens.
Le RNDDH estime également que les mesures de transfert des retenus-es vers d’autres postes de police ne représentent pas à proprement parler, une alternative juste parce que, d’une part, tous les centres de rétention ont une capacité d’accueil très faible et que les retenus doivent être le plus proche possible de leur famille pour bénéficier de leur support matériel et émotionnel et que d’autre part, de nombreux retenus-es supposent que leur éloignement risque d’ajourner leur audition par les parquets. C’est donc aux autorités judiciaires de décider de leur sort.’’