PORT-AU-PRINCE, mercredi 8 juin 2022– Dans une correspondance au chef du gouvernement de facto Ariel Henry, l’Association Professionnelle des Magistrats (APM), l’Association Nationale des Magistrats Haïtiens (ANAMAH) et l’Association des Juges de Paix Haïtiens (AJUPHA) ont exprimé leurs préoccupations quant à la velléité de certaines corporations de faire nommer leurs membres à la Cour de Cassation en marge de la loi.’’
Selon les associations de magistrat, « il n’est prévu nulle part dans la loi du 27 novembre 2007 portant statut de la magistrature qu’un avocat puisse être nommé juge à la Cour de Cassation, la plus haute juridiction judiciaire du pays. Le législateur de 2007 a pris le soin de préciser les critères d’éligibilité pour la voie d’intégration directe au niveau des 2e , 3e et 4e grade ; il n’a pas prévu l’intégration directe à la Cour de cassation qui est le 1e grade ».
Se référant à l’ancienne disposition régissant la matière, les associations souligne le 2e alinéa de l’article 15 du décret du 22 août 1995 relatif à l’organisation judiciaire, qui prescrit que ‘‘l’avocat, pour être nommé à la cour de cassation, doit justifier 10 ans d’expérience dans sa profession. Par contre, poursuivent-elles, l’article 23 de la loi du 27 novembre 2007 portant statut de la magistrature exige 18 ans d’expérience à l’avocat pour postuler comme juge dans une Cour d’Appel.’’
Selon les associations de magistrat, ‘‘ces deux dispositions sont incompatibles et inconciliables. Donc, en toute logique et cohérence juridiques, on ne saurait exiger plus de temps d’expérience pour intégrer la Cour d’Appel que la Cour de Cassation, celle-ci étant la plus haute instance judiciaire’’, écrivent-elles.
« C’est en ce sens qu’il convient d’admettre que l’intégration directe n’est plus permise à la Cour de Cassation. C’est tellement évident que depuis 2007, année de l’entrée en vigueur de cette loi, aucun avocat n’a été nommé à ladite cour. Lors des processus de nomination des juges à la cour que ce soit en 2012, sous la présidence d Joseph Michel Martelly et en 2017, sous la présidence de Jovenel Moïse, aucun avocat candidat n’a bénéficié de l’avis conforme du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ). Conséquemment, au vœu de la loi, ils n’ont pas été nommés à la Cour », expliquent-elles.
Elles estiment que sur la base de ‘‘l’inconciliabilité entre les dispositions de l’article 23 de la loi et de l’article 15 du décret précité et suivant toute démarche syllogistique et heuristique à partir des méthodes d’interprétation téléologique, logique et systémique, les dispositions du décret relatives à la nomination des juges à la Cour de Cassation sont inopérantes et inapplicables.’’
Selon les associations,’’ l’argumentaire selon lequel l’article 68 de la loi du 27 novembre 2007 portant statut de la magistrature renvoyant au décret du 22 août 1995 pour la procédure de nomination des juges en attendant l’installation des Assemblées départementales et communales (1e alinéa) permettrait que des avocats soient nommés à la Cour de Cassation, est dénué de fondement. ‘’
Elles évoquent deux raisons pour justifier leur position. « Premièrement, le renvoi au décret concerne uniquement la procédure de nomination des juges des Tribunaux de Paix à la Cour d’Appel (2e alinéa) à l’issue d’un stage probatoire organisé par l’École de la Magistrature. La disposition transitoire de cet article ne touche en rien les critères d’éligibilité des candidats au poste de juge pour les différents grades. Deuxièmement, selon les dispositions de l’article 175 de la Constitution et l’article 28 de la loi susmentionnée, les Assemblées ne sont appelées à jouer aucun rôle dans le processus de nomination des juges à la Cour de Cassation. Elles sont impliquées seulement dans la procédure des juges des autres grades », précisent les associations.
Evoquant la nécessité de préserver le fonctionnement régulier de la justice, elles demandent à M. Henry de ne nommer sur la liste des candidats à la Cour de Cassation que les magistrats de siège et du parquet des Cours d’Appel ainsi que les parquetiers près de la Cour et des juges de premier grade dont le mandat est arrivé à terme qui sont âgés de moins de 65 ans.