Décès de Louis-Marie Benoit Pierre dit Dieudonné Fardin, fondateur de la revue culturelle ” Le Petit Samedi Soir ” à l’âge de 85 ans

Louis-Marie Benoit Pierre ''Dieudonne Fardin''

Port-au-Prince, 4 juillet 2021- Ce trésor national qui a marqué l’historiographie de la littérature haïtienne et la presse en particulier pendant les 40 dernières années, restera gravé dans la mémoire de toute une génération qui l’a connu et collaboré avec lui comme: l’ancien ministre Alrich Nicolas, feu Jean Claude Fignolé, feu Gasner Raymond, prof Emile Célestin-Mégie, Michel Soukar, Frankétienne, feu René Philotecte, Pierre Clitandre, Carl Henri Guiteau, Dany Laferrière, l’Ambassadeur Dr Frantz Bataille, feu Wébert Lahens, Christophe Charles et Ady Jeangardy pour ne citer que ceux-là.

Dieudonné Fardin de son vrai nom Louis-Marie Benoit Pierre, a pris naissance à Saint-Louis-du-Nord, dans le département du Nord-Ouest, le 18 novembre 1936. Journaliste, professeur, éditeur et critique littéraire, il est le petit-fils du général Thimoléon Jadotte, ancien chef de la maison militaire du Président Florvil Hyppolite et cousin de Benoît Batraville, grande figure de la résistance face à l’occupation américaine de 1915.

Il a fait avec brio ses études primaires et secondaires chez les Frères de l’Instruction chrétienne et au Lycée Tertulien Guilbaud de Port-de-Paix. Il devient par la suite, instituteur dans un établissement scolaire primaire de la ville, puis secrétaire de direction et professeur au Lycée Tertulien Guilbaud. Sa passion pour les livres lui est venue sur les bancs de l’école, car déjà à 12 ans il commençait à griffonner des vers sur son cahier d’écolier.

En 1953, à 17 ans, on le retrouva comme apprenti imprimeur chez l’ingénieur Byron Donat Bouzi, un ancien directeur du lycée Tertulien Guilbaud. Animé des idéaux du progrès, du sens du développement et du vivre-ensemble, il mettra sur pied en 1961, avec la collaboration des jeunes de sa génération dont Cauvin Paul, Hérodote Mégalos, Gilbert Gayot, Lhérisson Alezi, Jérôme Mazard, Jean Théagène, le Mouvement de la Régénération du Nord-Ouest d’Haïti. Une structure qui, comme son nom l’indique, entendait travailler pour l’avancement de ce département en proie à toutes les formes de sous-développement.

C’est ainsi qu’il créa les vendredis littéraires, sorte de rencontres hebdomadaires agrémentées de conférences, sketchs, spectacles de toutes sortes mettant en valeur la richesse des lettres haïtiennes. Naît également Le Petit Samedi Soir, journal hebdomadaire qui a donné la parole aux plus belles plumes de l’époque. Avec la complicité de ses collègues, il a créé de petites bibliothèques scolaires en vue d’inciter les jeunes écoliers à la lecture.

En 1964, il entre à Port-au-Prince et s’installe à la ruelle Vaillant. Il a fait la rencontre de son cousin Hérard Jadotte, et s’entoura de personnalités qui marqueront plus tard la production littéraire et culturelle du pays : Théodore Achille Jr, Max Cantave, son ancien professeur de latin à Port-de-Paix, Charles Alexandre Abellard, homme de théâtre, le poète et romancier Gérard Étienne, le comédien François Latour, l’homme de radio Gérard Résil.

Il entra à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques pour des études de Droit qu’il abandonne trois ans plus tard. À la Faculté d’Ethnologie, il commença des études de Sociologie qu’il abandonna également.

Il fonda les Éditions Fardin en vue de la libre circulation des textes d’auteurs haïtiens. Dans cette capitale regorgée de belles figures de l’intelligentsia du pays, il côtoie des aînés tels Léon Laleau, Pradel Pompilus, Fouché et Emile Roumer. Boursier, il partit pour des études en planification de l’éducation à l’Université Catholique de Louvain, en Belgique et c’est là dans une imprimerie en face de sa pension qu’il découvrit et appris à fond le métier d’imprimeur.

Initiateur des foires du livre en Haïti, Dieudonné Fardin, nous a quitté ce dimanche 4 juillet, jour de la fête de l’indépendance des Etats- Unis d’Amérique.

Qui ne se souvient pas de cette fâcherie entre Dieudonné Fardin et Jean Léopold Dominique , en 1978, le journal ” Le Petit Samedi Soir “, avait choisi l’ancien Directeur de Radio Haïti Inter, comme journaliste de l’année et Jean refusa de donner sa photo pour publication et rétorqua lapidairement : ” on ne publie pas la photo d’un idéal ” et le caricaturiste du journal, Astrel Gilles, s’est vu ainsi contraint d’effectuer le croquis d’un micro et d’une pipe dans un studio.

Cet homme de belles lettres, ancien invité d’honneur de Livres en folie en 2018, fait le grand voyage d’éternité à un moment où son pays qu’il rêvait autrement, perd sa pédale sous toutes formes.