PORT-AU-PRINCE, vendredi 1e septembre 2023– Le bureau des affaires criminelles (BAC), une entité de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) qui a reçu commission rogatoire du magistrat instructeur en charge du dossier sur l’assassinat du président Jovenel Moïse, a remis son rapport au juge Walter Wesser Voltaire.
Dans la conclusion de ce rapport de trente-six (36) pages, le BAC a recommandé que des mandats d’amener soient émis notamment à l’encontre du diplomate Ashkard Joseph Pierre, Windelle Coq Thélot, ex-juge a la Cour de Cassation, Francis Alexis Cinéus, Vitelhomme Innocent, présumé chef de gang Dr. Ersnest Harrison, chef du parti « Kore Lavi » et Liné Balthazar, président du Parti Haïtien Tet Kale (PHTK) sous la bannière duquel, Jovenel Moïse a été élu président.
La police judiciaire souhaite que toutes les mesures soient prises afin de faciliter l’arrestation en Haïti ou à l’étranger de ces personnes mises en cause dans l’assassinat du président pour avoir commis respectivement, selon le document, ‘‘des actes d’assassinat, de tentative d’assassinat, de complot contre la sûreté intérieure de l’Etat, de terrorisme, de vol à main armée, de port et détention illégaux d’armes à feu au préjudice du Président de la République Jovenel Moïse, de son épouse et autres.’’
Dans son rapport, le BAC a souligné que les recherches effectuées dans le cadre de cette commission rogatoire n’ont pas permis de localiser certains auteurs, coauteurs et complices de ce magnicide.
Il a fait remarquer que les renseignements additionnels obtenus ont permis de savoir que ces derniers, dont des mandats d’amener ont été émis à leur encontre, ont gagné le marquis pour éviter d’être appréhendés.
Il s’agit entre autres, selon le rapport, de Pierre Lesly, Paulas Eugene, Roosevelt Milfort, Altes Jean-Baptiste, Jean Peterson Alexandre, Jameson Lundy, Junior Manold Platel, Sylvain Hervé, Rodriguez Evaldo Turenne, Félix Joseph Badio, Prévôt Mozart, Caîne Ermres Jean Ennoux et Esther Sylla.
Le BAC a informé que des avis de recherche ont été émis à l’encontre de ces individus.
Au cours de l’investigation, des enquêteurs du BAC ont procédé à l’arrestation de deux individus, le policier Emmanuel Louis et Miradieu Faustin présentées respectivement comme des acolytes de l’ex-sénateur John Joel Joseph actuellement écroué aux Etats-Unis pour son implication présumé dans le meurtre du président Moïse et Joseph Félix Badio.
Quelques éléments de rappel de la précédente investigation
Dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, le président Moïse se trouvait en compagnie de la Première Dame, ainsi que ses enfants Jomarlie Jovenelle Moïse et Jovenel Junior Moïse, en sa résidence privée à Pèlerin 5.
Brusquement, précise le document, il a entendu résonner de fortes détonations aux alentours de son domicile. Comme suite, il a fait appel aux différents responsables chargés de sa sécurité en vue de s’enquérir sur ce qui se tramait à l’extérieur et leur ordonner également de renforcer sa sécurité.
Entre temps, souligne le rapport, des individus lourdement armés avaient eu le temps de franchir le périmètre de sécurité depuis l’entrée principale de Pèlerin 5 jusque devant la barrière donnant accès à la résidence présidentielle après avoir maitrisé tous les agents de différentes unités de la PNH qui montaient la garde.
Alors que les renforts tardaient à venir, poursuit le rapport, ces présumés bandits, une vingtaine qui parlaient l’espagnol et l’anglais, qui scandaient à travers un portevoix en créole des injonctions aux agents de la garde présidentielle ; « Se DEA ! U.S ARMY! Kap opere nan zòn nan pa tire».
‘‘Montés à bord de plusieurs véhicules tout terrain, dont certains arboraient des plaques d’immatriculation aux initiales CD (Corps Diplomatique), sans résistance aucune de la part des susdits agents, les assaillants ont pénétré sur la cour et se sont introduits par effraction au domicile de la famille présidentielle’’, selon le document.
‘‘Ensuite, souligne le rapport, ils ont tiré plusieurs coups de feu dans tous les sens au niveau de la cour dudit domicile endommageant presque tous les véhicules qui s’y trouvaient en stationnement. Y étant, ils ont attaqué la personne du Président en lui tirant dessus. Atteint, ce dernier succomba sur le champ des suites de ses blessures. Qui pis est, ils lui ont fait subir de graves sévices corporels’’, rappelle le rapport.
‘‘Quant à la Première dame, précise le document, elle a été atteinte et fut laissée pour morte par les agresseurs. Fort heureusement, elle a été transportée en urgence à l’hôpital pour recevoir les soins que nécessitait son cas.’’
« A l’issue de cet attentat ayant coûté la vie au Président de la République, ces individus armés ont révisé complètement la chambre du Chef de l’Etat, volé des documents, de fortes sommes d’argent et des objets divers dont le serveur des caméras de surveillance », lit-on dans le rapport d’enquête de la DCPJ.
Selon le rapport, les circonstances ayant entouré la mort du Président Jovenel Moïse, ont démontré que ces actes ont été longuement et minutieusement préparés par les présumés auteurs et leurs complices.
‘‘S’étant renseignés sur la position exacte du Chef de l’Etat, ces mercenaires ont forcé les lignes de sécurité, et pénétré par effraction à l’intérieur de la résidence présidentielle où étant, ils ont tiré le Président de plusieurs projectiles balistiques dans ses parties vitales afin de s’assurer d’avoir mis fin à ses jours’’, écrivent les enquêteurs.
‘‘Et comme, ils agissaient dans le cadre d’un plan ourdi contre la victime, ils lui ont fait subir des tortures et de graves sévices corporels allant jusqu’à briser ses membres supérieurs et inférieurs, une façon de s’assurer véritablement d’avoir accompli leur mission’’, souligne document.
« Le constat effectué par le Juge de Paix et l’autopsie du cadavre par le médecin légiste, où il avait été constaté plusieurs déchirures au niveau de ses vêtements. A l’examen du corps, il avait été remarqué une déformation du crâne, une mobilité anormale de l’os frontal qui était totalement enfoncé. Dans cette même partie du corps, il avait été constaté un orifice de 2cm de diamètre situé à 3,5cm au-dessus de l’arcade orbitaire et à 2,5cm à droite de la ligne médiane, lequel a été identifié comme l’orifice de sortie d’un projectile balistique. De plus, il avait été remarqué une excavation de globe oculaire gauche, une plaie contuse à l’angle interne de ce même œil, une mobilité anormale de l’os nasal, et un orifice de 0,8cm de diamètre, situé entre le tragus et le lobule de l’oreille gauche, lequel orifice a été identifié comme celui d’entrée du projectile balistique susmentionné. Des orifices et des plaies contuses avaient été également constatés au niveau du thorax. Plusieurs orifices et plaies contuses au nombre de neuf (9) ainsi qu’une mobilité anormale du 1/3 supérieur de l’avant-bras gauche avaient été remarqués au niveau des membres supérieurs. »
Les enquêteurs de la DCPJ estiment que ‘‘le Président Jovenel Moïse a été tué volontairement, avec préméditation et barbarie par plusieurs individus qui se sont associés en malfaiteurs pour commettre ces actes répréhensibles.’’
Il a été victime, selon eux, d’actes d’association de malfaiteurs, d’assassinat, de complot contre la sûreté intérieure de l’Etat, de vol de nuit à main armée et de terrorisme ; lesquels faits sont prévus et punis par le Code Pénal Haïtien en ses articles 224, 241, 242, 247, 248, 63, 324, 326, 328 et suivants.
Quant à Martine Moïse, elle a été victime d’actes d’association de malfaiteurs, de tentative d’assassinat, de complot contre la sûreté intérieure de l’Etat et de vol à main armée, écrivent les enquêteurs.
Début juin 2023, un juge fédéral de Miami a condamné Rodolphe Jaar, 51 ans, homme d’affaires haïtien-chilien à la prison à vie pour son rôle en aidant un groupe de mercenaires colombiens à obtenir des armes pour assassiner le président haïtien Jovenel Moïse en 2021
Il est la première personne à être reconnue coupable et condamnée dans ce que les procureurs américains ont décrit comme un vaste complot ourdi par des conspirateurs en Haïti et en Floride pour récolter des contrats lucratifs sous une nouvelle administration une fois que Moïse était hors-jeu.
Jaar, qui a la double nationalité haïtienne et chilienne, avait auparavant été un informateur pour le gouvernement américain et avait été reconnu coupable de trafic de drogue il y a dix ans.
Une dizaine d’autres individus inculpés dans cette affaire par la justice américaine, attendent d’être fixés sur leur sort.