“Crise ouverte entre le Parquet et la DCPJ : le ministre de la Justice sommé d’intervenir, exige des comptes”…

Logo de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ)...

PORT-AU-PRINCE, vendredi 11 avril 2025 (RHINEWS)Une série de correspondances officielles récemment échangées entre le Parquet de Port-au-Prince et le Ministère de la Justice met en lumière une fracture préoccupante au sommet de l’appareil judiciaire haïtien, révélant une crise d’autorité entre la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) et les instances judiciaires compétentes.

Dans une lettre adressée le 8 avril au ministre de la Justice, Dr Patrick Pélissier, le Commissaire du Gouvernement a.i. Me Frantz Monclair dénonce avec gravité le comportement du directeur de la DCPJ, l’Inspecteur Général Jean René François. Selon la correspondance, ce dernier refuse désormais de se plier aux ordonnances du chef du Parquet et ne répond plus à ses appels téléphoniques. « Il refuse de se soumettre aux ordonnances du chef du Parquet et ne répond plus à ses appels téléphoniques », écrit Me Monclair dans un ton à la fois direct et inquiet. Il précise que « de tels comportements compromettent l’avenir de l’État de droit et de la démocratie en Haïti », insistant sur le fait qu’ils contribuent également à « affaiblir le système judiciaire haïtien ».

Le magistrat rappelle dans ce même document que la loi de 2006 sur le Ministère de la Justice, ainsi que celle du 29 novembre 1994 sur la création de la Police Nationale, établissent clairement que la Direction Générale de la Police Nationale est une structure déconcentrée du ministère. Autrement dit, la DCPJ ne saurait se soustraire à l’autorité du ministre de la Justice, qui, selon les termes mêmes de Me Monclair, « exerce un pouvoir de contrôle hiérarchique sur le Directeur Général de la Police Nationale ».

En écho à ce signal d’alarme, le ministre Patrick Pélissier a lui-même réagi dans une correspondance officielle également datée du 8 avril, dans laquelle il enjoint le Commissaire du Gouvernement de lui transmettre sans délai un rapport détaillé sur la situation des personnes en garde à vue dans les locaux de la DCPJ. « Le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique vous présente ses compliments et en profite pour vous instruire de lui faire parvenir, sans délai, un état des lieux de la garde à vue de la Direction Centrale de la Police Judiciaire », écrit le ministre dans une formulation diplomatique mais ferme. Il réclame des données précises sur le nombre de personnes détenues, la durée de leur détention, les motifs des arrestations et les circonstances dans lesquelles celles-ci ont été effectuées.

Cette exigence ministérielle intervient dans un climat tendu, alors que des accusations récurrentes visent la DCPJ pour des violations des délais légaux de garde à vue et un manque de transparence dans le traitement des dossiers judiciaires. L’initiative de Patrick Pélissier apparaît, selon les documents consultés par RHINEWS, comme une tentative de reprise de contrôle sur une institution qui semble vouloir échapper à la hiérarchie établie.

La correspondance du Commissaire du Gouvernement, qui fait état d’un refus de collaboration de la part du directeur de la DCPJ, sonne comme un avertissement grave. « Le Commissaire du Gouvernement vous demande d’instruire le Directeur Général de la Police Nationale », insiste Me Monclair dans sa lettre, appelant ainsi à un recadrage formel de la chaîne de commandement. L’écho donné par le ministère à cette demande pourrait annoncer une phase de confrontation institutionnelle ou, au contraire, une volonté de restaurer l’autorité républicaine.

Au-delà des échanges administratifs, ces correspondances révèlent une méfiance profonde et une rupture de confiance entre deux piliers de la justice haïtienne. Elles exposent également la difficulté du pouvoir civil à faire respecter la loi au sein même des structures chargées de son application. Dans un pays traversé par la violence, la crise politique et la défiance généralisée envers les institutions, cette fracture pourrait avoir des conséquences redoutables.