PORT-AU-PRINCE, jeudi 11 juillet 2024– Dans une lettre ouverte adressée à Dr Garry Conille, Premier ministre d’Haïti, la Fédération nationale des maires d’Haïti (FENAMH) et le Groupe de Recherche et d’Interventions en Développement et Éducation (GRIDE) ont annoncé la création de l’Observatoire de la Décentralisation et du Développement local (ODDL). Selon la FENAMH et le GRIDE, cette nouvelle institution vise à concrétiser le Cahier des charges des collectivités territoriales, répondant ainsi aux besoins pressants de décentralisation et de développement local du pays. Cette initiative intervient alors que la nouvelle année fiscale approche rapidement, nécessitant une réforme budgétaire urgente pour répartir les changements sur deux exercices financiers.
La FENAMH et le GRIDE soulignent que la réforme budgétaire est cruciale pour la transition du pays. Elle ne peut pas être accomplie en un jour, mais nécessite un début immédiat pour pouvoir être mise en œuvre efficacement sur plusieurs années. Cet atelier, prévu pour les jours à venir, rassemblera des experts de l’ODDL, du Groupe Croissance, ainsi que des délégations de haut niveau des collectivités territoriales et des techniciens et experts gouvernementaux chargés de la préparation des lois de finances annuelles. La Transition est présentée par la FENAMH et le GRIDE comme un moment de conciliation et de consensus, où aucun groupe ne peut légitimement imposer ses options politico-administratives à la société. “Ne perdons pas l’opportunité de réparer 220 ans d’injustice sociale et de stagnation économique,” déclarent la FENAMH et le GRIDE dans la lettre.
Les discussions du premier atelier aborderont la cohérence de la répartition des dépenses entre les différents secteurs et ministères, ainsi que la décentralisation des services sociaux de base dans les lois de finance d’Haïti. Ces présentations seront modérées par le Ministère de l’Économie et des Finances, ainsi que le Ministère de la Planification. La FENAMH et le GRIDE estiment qu’il est naturel que cet événement soit pris en charge par le gouvernement de transition et se tienne sous les auspices de la Primature.
Les conclusions consensuelles issues de cet atelier seront adressées à la Primature sous forme de recommandations officielles, tandis que les points de désaccord feront l’objet de discussions supplémentaires lors d’un second atelier prévu pour le semestre suivant. La FENAMH et le GRIDE expriment leur certitude que Dr Conille est déterminé à apporter une contribution historique à la rectification des injustices causées par la concentration excessive des ressources et des activités dans le pays.
La proposition d’un cahier de charges pour les collectivités territoriales est inspirée par la feuille de route en préparation au Conseil National de la Transition (CNT), mise en place par l’accord de Montana. Ce document vise à élire les représentants du mouvement à la Présidence et à la Primature, à nourrir la réflexion politique et à adopter les documents de politique de Montana. Le GRIDE, en tant qu’organisation signataire du secteur socioprofessionnel, a montré un intérêt dès le départ pour l’aménagement du territoire, la décentralisation et le développement local. Ce thème est une des préoccupations majeures du gouvernement de transition et doit faire l’objet d’une analyse approfondie lors du Dialogue national.
Le CNT associe les associations d’élus locaux, dont la FENAMH, à la poursuite de ces objectifs. L’apport des élus locaux enrichira la réflexion technocratique avec leur expérience et leurs solutions face aux nombreux problèmes de leurs mandants. La FENAMH affirme que le Ministère de l’Intérieur, avec ses nombreuses responsabilités, n’a pas réussi à prendre en charge efficacement l’étendue du domaine couvert par ce chantier. La création d’un ministère de l’aménagement du territoire, du développement local et de la décentralisation est donc nécessaire.
Le cahier des charges propose plusieurs actions concrètes, notamment l’ouverture d’un dialogue avec la Fédération des collectivités territoriales, la création d’un ministère dédié, la mise en place d’une police municipale et la représentation des élus locaux dans la conférence nationale. Il inclut également des réformes budgétaires importantes, comme l’allocation de 20 % du budget national aux projets locaux et la répartition claire des dépenses des ministères. “La décentralisation va de pair avec la déconcentration,” rappellent la FENAMH et le GRIDE, soulignant l’importance d’une répartition équitable des ressources pour le développement équilibré de toutes les régions du pays.
Un autre aspect essentiel souligné par la FENAMH et le GRIDE est la mise en place d’une police municipale, chargée d’établir un climat de sécurité dans tout le pays. La proposition inclut également la reconduction des anciens élus locaux, non contestés par la population ou restés dans le pays, en tant qu’agents exécutifs intérimaires pour la période de transition. Cette mesure vise à assurer une continuité administrative tout en préparant de nouvelles élections pour remplacer les cartels municipaux contestés ou absents.
La FENAMH et le GRIDE insistent également sur la nécessité de mettre en place une assemblée municipale de transition dans chaque commune. Cette assemblée serait responsable d’organiser des élections et de remplir les fonctions prévues par la Constitution pendant la période de transition. Un calendrier de remboursement de la dette du gouvernement envers les collectivités territoriales est aussi proposé, tout comme la création d’un comité provisoire pour la gestion du Fonds de Gestion des Collectivités Territoriales (FGDCT), conformément à l’arrêté du 27 février 2016. Ce comité aura également la tâche de réaliser un audit des dépenses du FGDCT sur les cinq à dix dernières années, afin de récupérer les fonds mal dépensés ou détournés.
Les réformes budgétaires proposées par la FENAMH et le GRIDE incluent l’allocation de 20 % du budget national aux mairies et aux Conseils d’Administration des Sections Communales (CASECs) pour l’exécution des projets locaux. Le budget détaillé des ministères devrait refléter cette allocation, ce qui contribuerait à un budget décentralisé transparent. La priorité budgétaire pour la première année de la transition sera donnée à la sécurité et à l’éducation, tandis que la santé et le sport seront les priorités pour la deuxième année.
La FENAMH et le GRIDE appellent également à la déconcentration des dépenses ministérielles, afin de clarifier la répartition des budgets entre l’administration centrale, la région métropolitaine de Port-au-Prince, et les autres régions du pays. Les revenus du Fonds de Gestion des Collectivités Territoriales (FGDCT) devraient être entièrement transférés aux collectivités territoriales, conformément à la loi, et les délégations départementales ne devraient pas être financées à partir de ce fonds. Un plan de remboursement de la dette de l’État central envers les collectivités territoriales est également nécessaire, ainsi qu’un système de sécurité sociale pour les employés municipaux.
En collaboration avec les universités, un agenda de recherches aiderait les mairies à évaluer leurs ressources, opportunités et besoins, en actualisant ou en élaborant leurs plans communaux de développement. Ces plans devraient inclure les investissements relevant des compétences des communes et des sections communales, ainsi que ceux relevant des ministères. Un programme pilote de mobilisation fiscale est aussi envisagé pour augmenter les recettes municipales de manière significative.
En somme, cette lettre ouverte de la FENAMH et du GRIDE appelle à une réforme structurelle et budgétaire visant à décentraliser et développer localement Haïti, corrigeant ainsi les injustices historiques et établissant un système de gouvernance plus équitable et efficace. La mise en œuvre de ces propositions nécessite une volonté politique forte et un engagement à long terme pour assurer la réussite de cette transition essentielle pour le pays.