Port-au-Prince, lundi 2 mai 2022- La conférence des pasteurs haïtiens (COPAH) n’utilise pas de langue de bois pour rendre la communauté internationale responsable du chaos qui s’installe en Haïti.
Dans une correspondance adressée au Core Group que la COPAH présente comme un cartel qui exerce le pouvoir réel en Haïti, l’organisation accuse ce regroupement d’ambassadeurs des pays dits amis d’Haiti d’avoir causé des torts quasiment irréparables au pays.
« Il n’est un secret pour personne que, depuis la chute de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide en 2004, c’est vous qui, par personnes interposées, exercez le pouvoir réel en Haïti. Vous faites et défaites les gouvernements comme bon vous semble, vous imposez comme dirigeants au peuple haïtien, des individus sans relief ni dimension, entièrement dévoués à défendre les seuls intérêts de vos pays respectifs au détriment de ceux d’Haïti », écrit la COPAH.
L’organisation qui se présente comme une entité indépendante du secteur protestant en Haïti dénonce le comportement néo-colonialiste du Core Group qui, souligne-t-elle, ‘‘impose au pays comme dirigeants des individus insignifiants, totalitaires, incompétents et corrompus, souvent issus du milieu du crime organisé, ce qui les rend plus apte a défendre les intérêts de l’international au détriment de ceux d’Haïti, bradant du même coup la souveraineté, l’indépendance et les maigres ressources du pays.’’
Pour la COPAH, le Core Group apporte toujours son soutien aux régimes vulnérables, faibles et redevables à la communauté internationale.
‘‘Ce soutien aveugle révèle le degré de haine, de racisme et de cynisme qui caractérisent votre politique néocoloniale en Haïti-laquelle politique a conduit le pays au chaos que vous vous efforcez sans cesse de stabiliser à travers vos préfets qui, eux-mêmes, sont tout aussi cyniques que vous, s’exercent à bien entretenir un climat de terreur d’Etat en Haïti’’, selon la COPAH.
Dans cette correspondance, la COPAH attire l’attention du Core Group sur le fait que sous sa gouvernance, ‘‘les droits humains les plus élémentaires sont violés systématiquement en Haïti et que les citoyens sont pris en otage, le pays est transformé en un véritable abattoir humain et un cimetière à ciel ouvert.’’
Concernant le climat d’insécurité généralisée qui s’abat sur le pays, la COPAH dénonce le soutien du Core Group à ceux qui pactisent avec les réseaux criminels qui endeuillent la population.
‘‘Votre gouvernance est maculée de sang des haïtiens. Votre politique de soutien aux régimes associés aux gangs armés qui terrorisent la population, a causé et continue de causer encore d’énormes souffrances et de graves préjudices aux haïtiens qui sont fatigués de votre arrogance, vos interférences dans la politique haïtienne et de votre jeu macabre’’, écrit la COPAH.
L’organisation note également que le Core Group reste muet sur les atrocités commises par les gangs armés à Martsssant et à la Croix-des-Bouquets transformés en zones de non droit où plusieurs dizaines de personnes ont été tuées, des milliers de famille déplacées et devenues refugiées dans leur propre pays.
En raison de la situation à Martissant, le grand Sud est pratiquement coupé du reste du pays alors que le grand Nord est sur le point de l’être aussi suite aux affrontements meurtriers qui se déroulent entre gangs rivaux au niveau de la Croix-des-Bouquets et de Tabarre, souligne la COPAH.
Selon la COPAH, le Core Group est responsable de toute cette situation et cautionne les violations systématiques des droits humains qu’il prétende défendre.
« Nous constatons que vous vous servez de la question des droits humains juste comme un simple slogan pour faire avancer votre agenda. Au fond, vous ne croyez pas au respect des droits humains et vous n’avez aucun problème avec ceux qui font obstacle à la justice, qui commettent des crimes abominables. Au contraire, vous faites des tweets pour leur renouveler votre plein appui et votre attachement, ce qui les encourage à mieux s’organiser dans le mal en commettant plus d’exactions sur la population afin de déterminer le rapport de force politique en leur faveur », écrit la conférence des pasteurs.
La COPAH accuse le Core Group d’avoir installé une dictature en Haïti à travers les gangs qui décapitalisent et appauvrissent les masses et les classes moyennes haïtiennes et accentuent la misère.
L’organisation souligne le silence du Core Group sur le non tenu d’élections en Haïti depuis plus de cinq ans pour renouveler le personnel politique du pays qui a pour conséquence une grave crise politique, institutionnelle. « Depuis cinq ans, aucune élection ne s’est tenue pour renouveler le personnel politique du pays, ce qui constitue une violation grave de la constitution haïtienne. Vous l’avez cautionné. Cependant, même dans des pays que vous désignez comme étant dictatoriaux, des élections se tiennent régulièrement », renchérit l’organisation.
Elle accuse le Core Group d’avoir cautionné les violations de la constitution par l’ex-président Jovenel Moïse qui avait constaté la caducité du Parlement, prorogé son mandat qui a expiré le 7 février 2021. ‘‘Vous l’avez encouragé et cautionné toutes ses bêtises parce que c’est conforme à ce que vous voulez pour Haïti, selon la COPAH’’, ajoutant que quelques jours après son meurtre toujours non élucidé, le Core Group a placé à la tête du pays, par un simple tweet, le Dr. Ariel Henry au poste de premier ministre de facto.
« Par votre seule volonté, constatons-nous, le pays est ‘‘dirigé’’, en apparence, par un exécutif monocéphale, pendant que vous exercez le pouvoir présidentiel. Car, monsieur Henry n’obéit qu’à vos caprices et vos ordres. Il n’est redevable qu’envers vous et ce que vous lui ordonnez de faire, il l’exécute sans broncher ».
‘‘Depuis qu’il est là, poursuit la COPAH, le pays s’enlise dans la catastrophe. A part vous, personne ne sait véritablement pourquoi votre premier ministre est à la de primature, quelle est son utilité si ce n’est de stabiliser le chaos tel que vous le voulez’’, lit-on dans la correspondance de la COPAH.
L’organisation dénonce également l’hypocrisie de la communauté internationale qui, précise-t-elle, prétend être favorable à une solution haïtienne à la crise qu’elle a contribuée grandement à fabriquer, mais a tout fait pour saper les efforts haïtiens pour sortir le pays de l’impasse.
« Vous vous contentez de vous associer avec les forces du mal pour maintenir le pays dans le chaos total pour, le moment venu, vous pussiez mettre tout devant le fait accompli des élections truquées pour nous imposer de nouveaux dirigeants corrompus, sanguinaires et prédateurs des droits humains. Le peuple haïtien n’est pas dupe et sait très bien que vous travaillez contre ses intérêts. Il comprend votre jeu-lequel traduit avec éloquence l’hypocrisie qui caractérise votre comportement de néo-colons », soutient la COPAH.
Elle appelle la communauté internationale, au nom du père fondateur de la Nation, Jean Jacques Dessalines et de l’article 41 de la convention de Vienne, a cesser son ingérence arrogante dans les affaires internes d’Haïti.
« Pendant trop longtemps vous nous avez fait endurer de souffrance. Certains d’entre vous nous ont colonisé et nous ont réduit en esclavage. D’autres nous ont occupé et nous portons encore les stigmas de ces périodes exceptionnellement douloureuses de notre histoire. Vous avez fait main basse sur la richesse de notre pays. Aujourd’hui, vous kidnappez notre système politique, électoral et freinez le développement économique et social de notre pays. Vous nous avez suffisamment humilié et terrassé. Il est temps de vous tenir à l’écart de nos problèmes et nous laisser le soin de les résoudre par nous-mêmes. Vous nous avez déjà causé trop de torts », déclare la COPAH.
Particulièrement sévère envers le Core Group dans sa prise de position, la COPAH écrit : « Nous savons que nous ne pouvons pas compter sur vous pour nous aider. Ce serait indigne de notre part, d’autant que nous savons qu’un peuple qui se laisse diriger par des néo-colons ne pourra jamais prospérer, se développer et se démocratiser. Il sera condamné à vivre dans l’indignité, la pauvreté, la misère abjecte et l’assujettissement ».
‘‘Sachez enfin, membres du cartel Core Group, avertit la COPAH, la guerre civile que vous attisez en Haïti peut ne pas avoir lieu, mais il est certain que, poussés par votre mépris et votre arrogance, comme en 1791, les haïtiens finiront par se révolter, en légitime défense, pour renverser l’ordre néocolonial que vous avez établi dans le pays pour recouvrer leur souveraineté.’’