PORT-AU-PRINCE, mercredi 13 novembre 2024 – Les conditions de détention en Haïti sont marquées par une précarité extrême, affectant non seulement les droits fondamentaux, mais aussi la survie même des prisonniers. Le rapport du RNDDH met en lumière des exemples particulièrement préoccupants, révélant l’ampleur de la crise humanitaire qui se déroule dans le système carcéral haïtien.
La situation dans les centres de détention comme la Prison civile de Petit-Goâve, entre autres, démontre à quel point l’alimentation des prisonniers est insuffisante, au point que les autorités ne parviennent à distribuer qu’un seul repas quotidien aux détenus. Cette insuffisance nutritionnelle n’est pas seulement le reflet d’une gestion difficile, mais aussi des contraintes sécuritaires et logistiques que subit l’administration pénitentiaire. La santé des détenus est tout aussi alarmante, les maladies infectieuses telles que la gale, la tuberculose et les infections urinaires étant fréquentes. De plus, l’absence d’eau courante aggrave l’hygiène, transformant les cellules en lieux d’insalubrité insupportables.
Dans d’autres prisons, telles que celle de Jacmel, les problèmes liés à l’accès à l’eau potable perdurent depuis des années, tandis que les fosses septiques saturées dégagent des odeurs pestilentielles et que les médicaments manquent cruellement. La prison des Cayes, elle, prive les détenus de récréation et de soins de santé, les laissant sans eau potable ni nourriture suffisante, avec un espace physique nécessitant d’importants travaux de rénovation.
La situation n’est guère meilleure dans les prisons de Fort-Liberté I et II, où les détenus reçoivent à peine un repas par jour, avec pour seule exception les personnes malades, et ce dans un contexte d’infrastructures inadéquates et d’absence de gaz propane pour la cuisson. Par ailleurs, les conditions sanitaires sont désastreuses, les odeurs provenant des toilettes s’ajoutant à la liste des problèmes quotidiens. Quant à la prison de Jérémie, elle fait face à des déficits constants en produits alimentaires et en kits d’hygiène, contraignant les responsables à demander de l’aide aux organisations civiles pour subvenir aux besoins essentiels des détenus. Les défis liés à l’absence de véhicules, compliquant les extractions judiciaires, viennent accentuer le problème chronique de la détention préventive prolongée et injustifiée dans cette juridiction.
Ces conditions désastreuses sont généralisées à travers le système carcéral haïtien, où les droits des détenus à l’alimentation, à l’eau potable et aux soins de santé sont largement ignorés. De janvier à octobre 2024, le RNDDH a dénombré au moins 98 décès en détention, répartis dans sept centres de détention, illustrant une situation où la négligence est devenue la norme. Ce décompte macabre comprend des prisons comme celles des Cayes et de Jacmel, où les décès respectifs de 27 détenus soulignent la gravité de l’urgence humanitaire dans ces établissements.
Les cas de décès recensés révèlent une chronologie de souffrances et de négligence extrême, avec des prisonniers succombant dans des conditions indignes et sans traitement adéquat pour leurs maladies. Ce bilan mortuaire met en lumière une vérité inquiétante : pour les autorités haïtiennes, les droits à la vie et à la santé des détenus semblent passer au second plan, face à une incapacité chronique à gérer la crise carcérale. Ces vies perdues rappellent l’urgence de réformer le système judiciaire et carcéral haïtien pour prévenir la poursuite de telles tragédies humaines.
Le drame des détenus haïtiens incarcérés dans des conditions inhumaines s’amplifie alors que les cellules de rétention, initialement conçues pour des gardes à vue temporaires, sont transformées en véritables prisons en raison de la surpopulation et du manque de ressources. Cette transformation a fait de ces commissariats des lieux de détention permanente, dans lesquels des dizaines de personnes, hommes, femmes, et mineurs, attendent des mois, voire des années, dans une promiscuité insupportable.
Au-delà de l’aspect sanitaire, la situation révèle un dysfonctionnement profond du système judiciaire et pénitentiaire haïtien. Les personnes détenues dans ces commissariats sont pour la plupart en attente de jugement ou sous la responsabilité du Parquet. Elles sont souvent entassées dans des espaces minuscules, dépourvus d’hygiène et de ventilation adéquate. Les conditions de vie sont si déplorables que les détenus dorment par roulement dans des espaces où il leur est impossible de s’allonger durant la journée. Ces conditions ont aussi des conséquences médicales : des affections cutanées telles que la gale et d’autres maladies infectieuses se propagent rapidement en raison de la surpopulation et de l’absence d’accès aux soins.
Le manque de suivi judiciaire aggrave également cette situation. De nombreux détenus restent bloqués dans ces centres de rétention pendant des mois, leur dossier stagnant dans les méandres d’un système judiciaire surchargé et sous-équipé. En conséquence, l’augmentation des évadés de prison, faute de moyens de sécurité suffisants et de structures adéquates, a conduit à des transferts massifs de détenus vers ces commissariats, exacerbant la crise.
La situation à la prison civile de Carrefour illustre particulièrement ce problème. Déjà difficile d’accès, cette prison voit désormais les détenus encore plus isolés du système judiciaire depuis leur transfert vers Petit-Goâve, une zone dont les voies d’accès sont contrôlées par des groupes armés. Les autorités judiciaires se disent dépassées par cette crise, soulignant que la sécurité et la réhabilitation des infrastructures carcérales sont nécessaires pour assurer une meilleure prise en charge des détenus et le respect de leurs droits.
Ce tableau sombre dresse le constat d’un système judiciaire qui, en dépit de sa prise de conscience apparente des problèmes, demeure paralysé. Les efforts de jugements pour réduire la population carcérale sont minimaux, illustrant un échec systémique. Si certains détenus parviennent à passer devant un juge, la grande majorité continue d’attendre, parfois depuis plus d’une décennie, une décision de justice qui pourrait mettre fin à leur calvaire. L’ampleur de la détention préventive prolongée en Haïti interpelle ainsi les autorités et la communauté internationale sur la nécessité de réformes profondes pour garantir le respect des droits fondamentaux des détenus.