NEW-YORK, jeudi 4 avril 2024-Selon un rapport partiel des experts des Nations-Unies qui enquêtent sur la criminalité en Haïti, la période allant du 13 novembre 2023 au 15 février 2024 en Haïti a été marquée par une détérioration constante de la situation sécuritaire, laissant présager une escalade de violence et d’instabilité dans le pays.
Le rapport souligne que, malgré les efforts déployés, la transition politique peine à aboutir, ouvrant ainsi la voie à une expansion sans précédent des gangs, qui terrorisent la population et sapent les fondements de la société haïtienne.
‘‘L’inefficacité des sanctions imposées jusqu’à présent, combinée au retard dans le déploiement de la Mission de soutien à la sécurité multinationale, a permis aux gangs de prospérer et d’étendre leur influence sur l’ensemble du territoire’’, lit-on dans ce rapport.
Dans le département de l’Ouest, poursuit le document, les affrontements entre gangs ont non seulement exacerbé les tensions au sein de la coalition G9, mais ont également facilité l’expansion agressive de groupes tels que G-Pèp, consolidant ainsi leur présence dans les principales zones urbaines et les points stratégiques d’entrée de la capitale.
Selon le rapport, cette expansion territoriale des gangs a des répercussions dévastatrices sur l’économie haïtienne, avec un contrôle renforcé sur les routes principales menant à la capitale, entravant ainsi la circulation des biens et des personnes et asphyxiant les activités commerciales. Les récents affrontements et blocages à Mariani illustrent parfaitement l’impact dévastateur de cette violence sur la vie quotidienne des Haïtiens, coupant les routes d’approvisionnement et restreignant leur liberté de mouvement.
Parallèlement, souligne le document, les gangs continuent de commettre d’atroces violations des droits de l’homme, terrorisant la population locale à travers des actes de violence indiscriminée, des meurtres, des viols, des tortures et des enlèvements. Cette violence généralisée a contraint des milliers de personnes à fuir leur foyer, exacerbant ainsi la crise humanitaire et alimentant le cycle de la violence et de l’insécurité.
‘‘Malgré les efforts déployés par la Police nationale haïtienne, celle-ci peine à reprendre le contrôle du territoire et à contenir l’expansion des gangs, avec une diminution alarmante du nombre d’agents de police et des attaques répétées contre les installations policières. Dans ce contexte, le déploiement urgent de la Mission de soutien à la sécurité multinationale est devenu une nécessité absolue pour restaurer la paix et la stabilité dans le pays’’, affirment les experts onusiens.
Le rapport précise que les gangs continuent de commettre d’atroces violations des droits de l’homme, notamment des attaques indiscriminées contre la population, ainsi que des meurtres, des viols, des tortures et des enlèvements, notamment dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite.
Les ecxperts onusiens rapportent que depuis novembre 2023, la violence des gangs a entraîné le déplacement de 100 000 personnes supplémentaires à l’intérieur du pays, tandis que des dizaines de milliers de personnes ont fui à l’étranger. Les enfants en particulier souffrent de la crise à travers le déplacement, la malnutrition, la privation d’accès à l’éducation et la violence des gangs, y compris la violence sexuelle et le recrutement forcé.
Selon eux, en plus des chefs de gangs, le chaos actuel dans le pays est exploité par toute une gamme d’acteurs visant à accroître leur richesse et leur influence, notamment des acteurs du secteur privé, des politiciens et d’anciens fonctionnaires gouvernementaux – aucun de ces rôles n’étant exclusifs. Le Groupe continue d’enquêter sur les flux financiers illicites contribuant à l’instabilité d’Haïti.
‘‘La crise en Haïti est loin d’être résolue’’, déclarent-ils, ajoutant qu’outre la violence des gangs, le pays est confronté à une impasse politique persistante, exacerbant ainsi les tensions et l’instabilité.
Le document indique que pendant la période de rapport, divers acteurs ont été impliqués dans des manifestations et dans l’agitation civile, demandant notamment la démission du Premier ministre, tandis que certains appelaient à une révolution et affichaient ouvertement leur soutien aux gangs armés tels que des membres de la Brigade de surveillance des aires protégées.
‘‘Ces acteurs ont également trouvé un élan accru à l’approche du 7 février 2024, date limite fixée par l’Accord du 21 décembre 2022 pour l’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement élu. Depuis le début de 2024, plusieurs manifestations de grande envergure ont éclaté dans différentes parties du pays ; cependant, au moment du rapport, les niveaux de mobilisation à Port-au-Prince sont restés relativement limités’’, rappellent les experts.
Un élément marquant de cette période est le retour en Haïti de Guy Philippe en novembre 2023, après six ans d’emprisonnement aux États-Unis pour conspiration en vue de blanchir de l’argent provenant du trafic de drogue. Ancien commissaire de la Police nationale haïtienne, Philippe avait dirigé une rébellion armée en 2004 qui avait entraîné la chute de l’ancien président, Jean Bertrand Aristide. Depuis son retour, il a organisé des rassemblements et des manifestations, notamment dans le sud du pays, appelant à une révolution.
À cela s’ajoute le soutien apporté à M. Philippe par la Brigade de surveillance des aires protégées (BSAP), créée par l’Agence nationale des aires protégées relevant du Ministère de l’Environnement. Cependant, le gouvernement actuel n’exerce aucun contrôle sur cette brigade. Les demandes du gouvernement visant à obtenir une liste des agents et de leur capacité armée sont restées sans réponse. Selon des sources informées, de nombreux agents de la brigade ne reçoivent pas de salaire, paient pour rejoindre la brigade et doivent fournir leurs propres armes à feu, probablement acquises illicitement.
Face à cette situation, le gouvernement a pris plusieurs mesures, notamment le limogeage du directeur de l’Agence nationale des aires protégées et la création d’un comité chargé de restructurer l’agence. Malgré ces actions, certains membres de la Brigade ont refusé de se conformer et ont continué à reconnaître Joseph comme leur leader, circulant dans les villes avec leurs armes à feu, notamment lors des manifestations de février 2024.
La période allant du 5 au 8 février 2024 a été marquée par de multiples actes de violence à travers le pays, incluant des pillages de biens privés et publics, des barrages routiers et des violations des droits de l’homme, entraînant la perturbation de la vie économique et éducative. Ces violences ont entraîné la mort de plusieurs personnes et des blessures chez d’autres, principalement lors des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre.
‘‘Il est urgent que la communauté internationale intensifie ses efforts pour soutenir le peuple haïtien dans cette période difficile et contribue à trouver des solutions durables pour sortir le pays de cette spirale de violence et de désespoir’’, recommandent les experts.