Ce 2 novembre, c’est la journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes…

Jean Leopold Dominique

NEW-YORK, jeudi 2 novembre 2023– Mettre fin à l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes est l’un des défis les plus importants et les plus complexes de notre époque. Il s’agit d’une nécessité fondamentale pour garantir le plein exercice du droit à la liberté d’expression ainsi que la possibilité pour tous et toutes de participer à un échange d’idées ouvert, libre et dynamique.

La commémoration de 2023 vise à sensibiliser aux principaux défis auxquels sont confrontés les journalistes et les professionnels de la communication dans l’exercice de leur profession, et à mettre en garde contre l’escalade de la violence et de la répression à leur encontre. Il s’agit notamment des attaques et des restrictions imposées à la presse dans le cadre de la couverture des manifestations sociales, du recours à des mécanismes judiciaires contre des journalistes pour des raisons liées à leur travail journalistique sur des questions d’intérêt public, et de l’augmentation de l’exil forcé des journalistes dans certains pays.

Le thème de cette année vise également à mettre en évidence le rôle d’une presse sûre et libre dans la garantie de l’intégrité des élections et de nos systèmes démocratiques. Il réaffirme l’obligation des États d’adopter des mesures efficaces pour protéger la presse indépendante et renforcer les cadres institutionnels qui luttent contre la violence et l’impunité, et qui promeuvent l’indépendance, la viabilité et la diversité des médias.

Cette année, le principal événement organisé pour souligner la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes aura lieu les 2 et 3 novembre 2023 au siège de l’Organisation des États américains (OEA) à Washington D.C. et il portera sur les thèmes de la violence exercée contre les journalistes, l’intégrité des processus électoraux et le rôle du leadership public.

L’Amérique latine et les Caraïbes restent la région où le nombre d’assassinats de journalistes est le plus élevé, selon le rapport 2022 du directeur général de l’UNESCO sur la sécurité des journalistes et le danger de l’impunité.

Depuis 1993, plus de 1 600 journalistes ont été tués dans le monde et près de 9 cas sur 10 n’ont pas été élucidés, selon l’Observatoire de l’UNESCO des journalistes assassinés. Ce cycle de violence à l’encontre des journalistes entraîne une augmentation des meurtres et est souvent révélateur d’un affaiblissement de l’État de droit et du système judiciaire.

Si les meurtres constituent la forme la plus extrême de censure des médias, les journalistes sont également confrontés à d’innombrables menaces, allant de l’enlèvement, de la torture et d’autres agressions physiques au harcèlement, notamment dans la sphère numérique. Les menaces de violence et les attaques contre les journalistes en particulier créent un climat de peur parmi les professionnels des médias, entravant la libre circulation des informations, des opinions et des idées au sein de la population.

Les femmes journalistes sont particulièrement touchées par les menaces et les attaques, notamment en ligne. Selon le document de travail de l’UNESCO intitulé « The Chilling: Global trends in online violence against women journalists » (L’effroi : Tendances mondiales de la violence en ligne contre les femmes journalistes), 73 % des femmes journalistes interrogées ont déclaré avoir été menacées, intimidées et insultées en ligne dans le cadre de leur travail.

Dans de nombreux cas, les menaces de violence et les attaques contre les journalistes ne font pas l’objet d’enquêtes appropriées. Cette impunité conforte les auteurs des crimes et a en même temps un effet négatif sur la société, y compris sur les journalistes eux-mêmes. L’UNESCO est préoccupée par le fait que l’impunité nuit à des sociétés entières en couvrant de graves violations des droits humains, la corruption et la criminalité. Lisez et partagez les histoires des journalistes tués #TruthNeverDies (#LaVéritéNeMeurtJamais).

En outre, les systèmes judiciaires qui enquêtent fermement sur toutes les menaces de violence à l’encontre des journalistes envoient un message fort, à savoir que la société ne tolèrera pas les attaques contre les journalistes et contre le droit à la liberté d’expression pour tous.

Le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité est le premier effort concerté au sein des Nations Unies pour lutter contre les attaques et l’impunité des crimes contre les journalistes, avec une approche multipartite et intégrée. Il réunit des organes des Nations Unies, des autorités nationales, des médias et des organisations de la société civile.

Depuis l’adoption du Plan, la question de la sécurité des journalistes a gagné en visibilité au sein des Nations Unies, comme en témoigne le nombre croissant de déclarations, résolutions et autres textes normatifs, ainsi que l’Appel à l’action pour les droits de l’homme du Secrétaire général des Nations Unies. La protection des journalistes fait également partie du Programme 2030 pour le développement durable. Le Plan a également contribué à la constitution de coalitions internationales de gouvernements et de la société civile et a servi à susciter des changements sur le terrain, comme la création de mécanismes nationaux de sécurité dans au moins 50 pays.

Malgré ces avancées, des défis subsistent. Le taux élevé d’impunité pour les crimes contre les journalistes persiste et de nouvelles formes de menaces se développent de manière inédite.

Le dixième anniversaire a été une étape importante pour réaffirmer, recommander et repositionner les efforts visant à faire progresser le plan des Nations Unies.

En décembre 2013, lors de sa 68e session, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution intitulée « La sécurité des journalistes et la question de l’impunité » (A/RES/68/163), qui a proclamé à la date du 2 novembre la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes. Cette résolution a exhorté les États Membres à prendre des mesures précises pour combattre la culture actuelle d’impunité. La date de cette journée internationale a été choisie en mémoire de deux journalistes français, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés le 2 novembre 2013 au Mali.

Cette résolution historique condamne toutes les attaques et violences perpétrées contre des journalistes et des travailleurs des médias. Elle exhorte également les États Membres à faire tout leur possible pour prévenir cette violence, en faire rendre compte, traduire en justice les auteurs des crimes commis contre des journalistes et des travailleurs des médias, et veiller à ce que les victimes disposent de recours appropriés. Elle demande, en outre, aux États de promouvoir un environnement sûr et propice dans lequel les journalistes puissent effectuer leur travail de manière indépendante et sans ingérence indue.