Par Jude Martinez Claircidor.
CAP-HAITIEN, mardi 12 décembre 2023– Les récentes flambées de violence ont forcé de nombreuses personnes à quitter précipitamment Port-au-Prince, provoquant ainsi un exode massif à travers le pays.
Face aux agissements alarmants des gangs, des milliers de personnes déplacées ont trouvé refuge dans les provinces, mettant ainsi une pression sans précédent sur les villes en dehors de la capitale. Parmi ces villes, le Cap-Haïtien, réputé pour son charme et ses majestueuses demeures d’architecture coloniale, est devenu l’une des destinations privilégiées pour ces réfugiés.
Cependant, cette affluence a créé des défis importants pour le Cap-Haïtien. La ville, déjà confrontée à une croissance démographique rapide et à une prolifération de bidonvilles, est désormais confrontée à une complexité accrue avec l’arrivée des déplacés de Port-au-Prince.
Cette situation impacte considérablement la vie quotidienne des habitants, une population actuelle estimée à plus de 700 000 selon des chiffres officiels, majoritairement issue de régions en difficulté à cause d’un chômage croissant. Les chiffres exacts du nombre croissant d’Haïtiens résidant dans la ville ne sont pas encore disponibles.
La gestion des déchets est devenue un enjeu majeur, avec des sites de décharge saturés et des administrations municipales dépourvues des équipements adéquats pour collecter et traiter ces déchets. Chaque averse transforme les rues en torrents, rendant la circulation difficile, surtout aux heures de pointe, paralysant piétons et automobilistes faute d’infrastructures adaptées.
La zone de Barrière Bouteille et des quartiers tels que « Nan Banann » ou Cité du Peuple sont encombrés d’immondices, libérant des odeurs pestilentielles. Heureusement, un projet de gestion des déchets solides vient d’être lancé dans le département du Nord, offrant un espoir de solution à cette problématique.
Le phénomène croissant des taxis-motos, en particulier des motos tricycles, opérant sans aucun contrôle de l’État, aggrave la situation. La pression sur le logement s’intensifie également en raison de la pénurie d’offres disponibles. Les rues 16, 17, 18 et 20 voient ainsi les maisons rares sur le marché locatif, rendant les loyers prohibitifs pour bon nombre d’entrepreneurs et de professionnels cherchant à s’installer dans la ville.
Marc Kendy, propriétaire d’une agence immobilière au Cap-Haïtien, confirme cette absence d’offres proportionnelles à la demande de logements pour les déplacés internes. La vie quotidienne devient encore plus ardue avec la présence de bandits sur la nationale à hauteur de Morne Cabrit, perturbant le commerce et bloquant le transport de biens essentiels de Port-au-Prince vers le Cap-Haïtien, incluant le riz, le maïs, le sucre et l’essence.
La fermeture de la frontière haïtiano-dominicaine, due à la crise du canal de Massacre, a exacerbé la rareté de certains produits sur le marché local, contribuant à la hausse des prix au Cap-Haïtien.
De plus, la ville souffre de coupures électriques prolongées depuis quelques années en raison des pertes enregistrées par la compagnie fournissant l’énergie électrique (EDH). Les hôtels, en particulier, doivent recourir à des générateurs, des onduleurs et des panneaux solaires coûteux, entraînant des pertes financières conséquentes.
Pour Renel Antoine, un cadre originaire de la ville, pour remédier à ces situations, l’État central doit envisager la décongestion et la revitalisation de l’administration, en reproduisant le modèle de construction du parc industriel de Caracol pour industrialiser toutes les zones environnantes du Nord et du Nord-Est.
Il souligne également la nécessité pour l’État haïtien de développer le tourisme dans le département du Nord, possédant plusieurs communes côtières, afin de stimuler l’artisanat, la pêche et l’agriculture.
La construction du Parc Industriel de Caracol a apporté une valeur ajoutée dans la zone, de nombreux citoyens du Cap commencent à acheter des terrains dans les zones avoisinantes en raison de la distribution 24h/24 de l’électricité dans ces zones.
Philogène Bernadin, psychologue travaillant dans le Nord, propose à l’État d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’aménagement et d’organisation adéquat tout en encourageant les constructions qui prennent en compte les risques sismiques et les tsunamis.
Malgré ces défis émergeants dans la ville du Cap, des Haïtiens de tout horizon, du terroir et de la diaspora, continuent d’affluer en masse dans la cité christophienne pour se ressourcer, respirer l’air du boulevard Carénage qui fait la fierté capoise, et se délecter de Labadee, un paradis ainsi surnommé par l’orchestre Tropicana d’Haïti, la référence internationale de la musique.
Cap-Haïtien, anciennement connu sous le nom de Cap-Français, révèle son passé riche en histoire à travers ses rues pavées et ses monuments historiques. La deuxième plus grande ville d’Haïti, située dans le département du Nord, abrite une concentration de maisons coloniales et de sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.
La région témoigne de l’organisation spatiale de l’époque coloniale française, avec des vestiges tels que sucreries, briqueteries et cafés.
Cap-Haïtien, également appelé “Le Cap”, raconte son histoire à travers ses rues aux angles droits, ses maisons coloniales et ses sculptures. La Place Vertières rappelle la bataille époque de 1803. Pour les visiteurs attirés par l’histoire, l’architecture, la gastronomie locale et les plages de Labadie, la Citadelle et le palais de Sans-Souci sont des attractions incontournables.
Située à 250 kilomètres de la capitale Port-au-Prince, Cap-Haïtien est accessible par une route de sept à huit heures ou par avion, offrant une vue spectaculaire sur la Citadelle depuis le ciel. La Citadelle, construite par le roi Henri Christophe au sommet du mont Bonnet-à-l’Évêque, est une forteresse impressionnante et a été désignée comme la “huitième merveille du monde” par les Haïtiens.