CAP-HAÏTIEN, jeudi 5 décembre 2024 Dans un arrêté publié le 5 décembre 2024, le Conseil Municipal de Cap-Haïtien a déclaré un état d’urgence environnementale pour une durée initiale de six mois. Cette décision, motivée par les graves dommages causés par les récentes inondations et glissements de terrain, repose sur une analyse approfondie des lois et décrets régissant l’aménagement urbain et la protection de l’environnement en Haïti.
« Il est de la responsabilité constitutionnelle de l’État et des collectivités territoriales d’assurer la protection et la sécurité des populations », rappelle le Conseil Municipal. Cette responsabilité s’inscrit dans le cadre d’une politique de sauvegarde des droits fondamentaux tels que le droit à la vie, à la santé et à un logement décent.
Face à une situation de plus en plus critique, marquée par des éboulements, une érosion côtière et des risques sismiques, le Conseil Municipal a adopté des mesures immédiates pour prévenir d’autres catastrophes et restaurer les infrastructures essentielles. Ces mesures incluent la mise en place d’un comité de gestion des bassins versants du Morne du Cap, la réhabilitation des réseaux d’assainissement et électriques, ainsi que la démarcation d’une zone rouge interdisant les constructions à risque. Toute construction non autorisée dans cette zone sera suspendue, les contrevenants devant s’acquitter d’amendes allant jusqu’à 25 000 gourdes.
L’arrêté met également l’accent sur la nécessité de démolir les bâtiments illégaux situés sur les trottoirs, les canaux et les zones côtières. Conformément aux règlements existants, ces démolitions auront lieu si aucune régularisation n’est effectuée dans un délai de trois mois. Par ailleurs, toute modification de construction existante dans le Morne du Cap devra recevoir une autorisation préalable de l’administration municipale.
L’état d’urgence déclaré vise à mobiliser toutes les ressources disponibles, qu’elles soient nationales ou internationales. Le Conseil Municipal est autorisé à solliciter l’appui des autorités nationales compétentes, des partenaires locaux et des organisations internationales pour répondre à cette crise. L’objectif est clair : éviter que le patrimoine national, dont le centre-ville de Cap-Haïtien classé par l’arrêté du 23 août 1995, ne subisse des dégâts irréparables.
Le Conseil Municipal invite la population à coopérer activement pour rétablir les conditions de vie normales et assurer une meilleure protection environnementale. Cette déclaration d’état d’urgence marque un tournant dans la gestion des risques au Cap-Haïtien, illustrant l’engagement des autorités locales à préserver la sécurité et la santé publique.
Cap-Haïtien, joyau historique et culturel du nord d’Haïti, est reconnu pour son potentiel touristique grâce à des sites emblématiques comme la plage de Labadie et son riche patrimoine architectural. Cette ville côtière, deuxième en importance après Port-au-Prince, accueille environ 249 541 habitants sur une superficie restreinte de 53,5 km², ce qui en fait une des zones urbaines les plus densément peuplées du pays. Son centre historique, avec ses bâtiments coloniaux, constitue une ressource unique pour le développement touristique, mais reste sous-exploité en raison d’un manque de gestion proactive et de vision à long terme.
Le tourisme, moteur économique de la région, est fortement concentré autour de Labadie, un site prisé par les croisiéristes internationaux. Cette enclave touristique génère des revenus importants grâce à une taxe d’accès, mais les retombées locales demeurent limitées pour la majorité des habitants, qui travaillent majoritairement dans le secteur informel. Une gestion plus inclusive et stratégique pourrait transformer ce secteur en un levier puissant de développement économique pour l’ensemble de la ville.
Cependant, les défis environnementaux freinent le développement harmonieux de Cap-Haïtien. La pollution de l’air, aggravée par une centrale à mazout située au port, ainsi que la gestion défaillante des déchets et des eaux usées, créent un cadre de vie insalubre. Ces problèmes environnementaux ont des répercussions directes sur la santé publique, avec une recrudescence de maladies telles que la malaria et la typhoïde. Par ailleurs, le réseau d’assainissement et de collecte des déchets est largement insuffisant, tandis que les infrastructures sanitaires dans les quartiers précaires sont souvent inexistantes.
Cap-Haïtien est également vulnérable aux catastrophes naturelles, notamment les inondations et les glissements de terrain, sans qu’une politique de gestion des risques ne soit mise en place. Pourtant, la ville a tout le potentiel pour devenir un modèle d’aménagement durable et de développement touristique équilibré, à condition que des efforts soient réalisés pour réhabiliter son environnement et améliorer la transparence dans sa gouvernance. Comme le souligne le Plan directeur tourisme, validé par le parlement, une gestion écologique et participative pourrait transformer Cap-Haïtien en une destination durable et prospère