‘‘Bocchit Edmond impliqué dans la mise en place de structures parallèles irrégulières pour la fabrication de passeports à l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis’’, selon un rapport du MAE…

Bocchit Edmond, ex-ambassadeur d'Haiti a Washington, Emmanuel Contant etGélorme Juste...

PORT-AU-PRINCE, jeudi 4 mai 2023– A part l’ex-ambassadeur des Etats-Unis, Bocchit Edmond, l’enquête du ministère des affaires étrangères et des cultes (MAE), qui remonte a août 2021, indexe aussi d’autres cadres de l’ambassade dont Gélorme Juste et Emmanuel Content pour leur implication présumée dans la mise en place de structures parallèles irrégulières pour la fabrication de passeports à l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis.

Selon le rapport, Gélorme Juste a reconnu son implication dans la pratique de fabrication irrégulière de passeports à l’Unité de production de passeports de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis.

‘‘ Il a admis sa collaboration avec une « agence » basée au Chili en faveur de laquelle il se chargeait de la réception irrégulière de documents pour la fabrication de passeports à l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis’’, indique le rapport.

‘‘De plus, souligne le rapport d’enquête du MAE, il était partie prenante dans la mise en place de la pseudo antenne consulaire à Salisbury. Il a admis avoir reçu de l’argent quinze dollars américains (USD 15.00) par passeport de Emmanuel Content, à partir des fonds provenant de la pseudo antenne de Salisbury.’’

Le rapport précise qu’Emmanuel Content et Gélorme Juste ont ouvert une « agence » sous cette appellation à Salisbury, avec l’approbation de l’Ambassadeur Edmond, sans l’approbation du MAE.

« Voulant faire passer « l’antenne consulaire » comme un service de proximité, Content a revendiqué la paternité de l’idée devant la Commission. « J’avais cette idée au moment de la COVID-19, j’en ai parlé à Gélorme, et nous l’avions présentée à l’Ambassadeur Edmond, qui a donné son approbation », a-t-il articulé », souligne le document.

Selon le document, Content et Juste, allaient plus tard recevoir deux cents dollars américains (USD 200.00) de per diem chacun dans le cadre de leur déplacement à Salisbury pour une mission de visite à la communauté haïtienne s’y trouvant.

Le rapport fait remarquer que, non seulement Content a brillamment soutenu l’idée de déconcentration de service devant la Commission, mais encore il a su bien la justifier. « Nos statistiques nous ont démontré que la plupart des demandeurs de passeports à Washington (60%) venaient de Salisbury », a-t-il argumenté. Cependant, le responsable de « l’antenne consulaire » à Salisbury n’a aucun lien avec l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis.

‘‘Il n’est ni employé ou contractuel de l’Ambassade, ni partie à un contrat de partenariat avec l’Ambassade dans le cadre d’un service consulaire de proximité’’, d’après le rapport.

‘‘La structure de service de passeports à Salisbury ne saurait être, en aucun cas, une « antenne consulaire ». Elle représente de préférence l’arbre qui cache la forêt d’une pratique de corruption en lien avec la fabrication irrégulière de passeports à l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis sous la férule de Emmanuel Content, épaulé par Gélorme Juste avec la protection de l’Ambassadeur Bocchit Edmond. D’où un pseudo « antenne consulaire » ou une « agence » tout cours’’, déclarent les enquêteurs.

Le rapport souligne qu’il a été révélé à la Commission d’enquête que le responsable de « l’agence » à Salisbury est un proche de l’Ambassadeur Edmond. En outre, l’Ambassadeur Bocchit Edmond aurait déjà tenté d’installer une structure similaire « pseudo antenne consulaire » à Radio Télé la Foi à New- York avec la participation de Gélorme Juste.

Juste a également expliqué à la Commission qu’il était en train de collaborer avec une amie, responsable d’une « agence » au Chili du nom de Natacha Shelon grâce à la complicité de l’Unité de production de passeports de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis, dont son Directeur technique, Emmanuel Content.

Lorsqu’il a approché Content à ce sujet, indique le rapport,  ce dernier lui avait donné son accord en échange d’un partage des dividendes qu’aura généré cette dite « agence.

Par la suite, le directeur technique lui a donné un très grand lot de formulaires de demandes de passeports, duquel, il a envoyé 500 formulaires, dans un premier temps à Madame Shelon au Chili, a indiqué l’ex-Responsable de la Section consulaire de l’Ambassade d l Haïti aux États-Unis.

Plus loin, la Commission allait apprendre que la gestion des formulaires est assurée au niveau de l’Unité de production de passeports de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis par un code barre de huit chiffres commençant par des numéros compris entre zéro et 500. Et, seuls Messieurs Doliska et Content, respectivement Coordonnateur et Directeur technique de l’Unité de production de passeports de l’Ambassade d’Haïti aux Etats-Unis ont l’accréditation nécessaire pour « libérer » un formulaire sur le système au bénéfice d’une mission diplomatique ou d’un Poste consulaire.

Autrement dit, M. Juste n’a absolument aucun moyen de trouver de formulaires de demande de passeports valides sans la collaboration d’au moins un des deux Responsables de l’Unité de production de passeports de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis, précise le document.

Selon le rapport, Juste a affirmé qu’il recevait les demandes de passeports de Madame SHELON à son domicile sous son nom personnel et celui d’autres personnes dont Jimmy Citerne, un employé contractuel de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis.

Il avait pu traiter un premier lot de 150 demandes de passeports au bénéfice de « l’agence » au Chili à crédit, bien que le MAE avait rappelé en décembre de 2020 à l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis de ne pas fabriquer de passeports à crédit sous aucun prétexte .

Il avait reçu ces 150 premières demandes dans trois enveloppes, contenant chacune un lot de 50 demandes de passeports et les a remis à Emmanuel Content et M. Roody Julien, Agent de vérification à l’Unité de production de passeports de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis, a-t-il précisé.

Juste a ajouté que Content l’avait informé que l’Ambassadeur Edmond était au courant de tout ce qui se passait et l’avait pressuré à offrir de l’argent à I’Ambassadeur Edmond afin d’éviter des problèmes.

Il a affirmé, selon le rapport, qu’il ne voyait pas comment donner suite à une pareille démarche au point qu’il était tombé dans la panique.

‘‘Cependant, M. Content l’aurait calmé en lui promettant de lui planifier une rencontre avec le Chef de Mission. Il a alors emprunté deux mille dollars américains (USD 2,000.00 USD) des mains d’un collègue, employé de l’Ambassade pour les ajouter à un montant de trois mille dollars américains (USD 3,000 USD) dont il disposait lui-même, car il voulait proposer au moins cinq mille dollars américains (USD 5,000.00 USD) à l’Ambassadeur Edmond, a continué M. Juste’’, relate le document.

‘‘Le 05 août 2021 ou aux environs de cette date, M. Content lui a confirmé que l’Ambassadeur était disposé à le recevoir à son bureau au sujet de la proposition susmentionnée tout de suite après une rencontre alors en cours, entre I ’Ambassadeur Edmond et d’autres invités dont un Consul Général. Cependant, lorsqu’il a fait savoir à Content qu’il ne disposait que de cinq mille dollars américains, celui-ci l’a invité à abandonner la démarche, arguant que l’Ambassadeur n’était pas prêt à recevoir moins de dix mille dollars américains (USD 10,000.00 USD)’’, a-t-il poursuivi.

De même, la Commission d’enquête affirme avoir appris que Content et Edmond sont des amis très proches. Content est d’ailleurs l’agent immobilier ayant facilité l’acquisition d’une maison à I ’Ambassadeur Edmond dans la localité de Silver Spring dans le Maryland. L’enquête révèle également que Content et l’Ambassadeur Edmond passent souvent leur week-end ensemble, à New York.

‘‘Emmanuel Content, selon le rapport, a admis qu’il est propriétaire de plusieurs « agences » dans différents pays, alors qu’il est Directeur technique de l’Unité de production de passeports de l’Ambassade d’Haïti aux Etats-Unis, d’où un conflit d’intérêt grave au détriment de l’État.’’

Parallèlement, Content a reçu un chèque de subvention de deux milles dollars américains (USD de l’Ambassade d’Haïti aux Bahamas en guise de gratification pour services rendus dans la fabrication de passeports, assimilable à un pot-de-vin, précise le rapport.

Le rapport souligne que ‘‘pendant qu’il s’absente souvent de son poste au sein de l’Unité de production de passeports de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis, M. Content a donné accès à madame Bettina Edmond, ex-employée de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis, sœur de l’Ambassadeur Bocchit Edmond à son compte illimité pour la fabrication de passeports, chaque semaine, du jeudi au dimanche.’’

« L’Ambassadeur Edmond était partie prenante dans la mise en place de la pseudo antenne consulaire à Salisbury. Cette pseudo antenne consulaire n’est autre qu’une stratégie de couverture à l’installation d’une véritable « agence » et une tentative de normalisation du processus de production irrégulière de passeports à l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis, assimilable à un stratagème de corruption », selon le rapport.

Le document affirme que l’Ambassadeur Edmond a ordonné l’installation de la pseudo antenne consulaire sans l’approbation du Ministère des Affaires Étrangères. Ainsi, poursuit-il, ‘‘l’installation de cette dite pseudo antenne consulaire sans l’approbation du MAE s’apparente à un acte de corruption.’’

D’un autre côté, selon le rapport, madame Bettina Edmond, ex-employée de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis, sœur de l’Ambassadeur Edmond, a eu accès à un compte illimité de fabrication de passeports à l’Unité de production de passeports de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis, alors qu’elle n’est plus employée de cette Ambassade.

‘‘Chaque semaine, de jeudi à dimanche, Bettina Edmond vient fabriquer ses passeports en utilisant le compte d’accès illimité de Emmanuel Content, sous le regard laxiste ou complice de l’Ambassadeur Edmond, son frère’’, souligne le rapport.

Le rapport précise que plusieurs interrogés ont mis directement ou indirectement l’Ambassadeur Edmond en cause à plusieurs reprises sur plusieurs points, notamment la gestion complaisante de la question de passeports et la participation dans une formule de mise en place d’une pseudo « antenne consulaire » à Salisbury en couverture à de véritables « agences ».

Le document fait remarquer que le Chef de Mission n’avait pas offert à la Commission l’opportunité d’adresser certaines interrogations et de confirmer ou d’infirmer certaines allégations à sa charge sur des questions étroitement liées à la matière de l’enquête.

La Commission d’enquête fait plusieurs recommandations pour redresser la situation a l’ambassade d’Haïti aux Etats-Unis dont le renforcement de l’Unité de production de passeports de l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis au niveau structurel, organisationnel et managérial ; la prise de les dispositions nécessaires visant à appliquer les recommandations du MAE en lien à la production de passeports à l’Ambassade d’Haïti aux États-Unis, notamment celles découlées de la mission d’inspection du mois de décembre 2020.

Elle recommande également l’application de sanctions administratives et/ou légales qui s’imposent à l’encontre de tous les membres du personnel de l’Ambassade dl Haïti aux États-Unis impliqués dans la pratique de production irrégulière de passeports entre autres.