Augmentation du budget de l’Université d’État d’Haïti mais sans fonds de développement : l’UEH incapable de reloger ses facultés victimes d’attaques de gangs armés…

Jean Poincy, Economiste

PORT-AU-PRINCE, (Haïti), samedi 2 novembre 2024 — Le budget de l’Université d’État d’Haïti (UEH) a connu une augmentation notable de 148 % pour l’année académique 2024/2025, passant de 235 millions de gourdes à 535 millions de gourdes, soit un surplus de 350 millions. Jean Poincy, vice-recteur de l’UEH, a salué cette augmentation, mais déplore l’absence de fonds alloués aux investissements. Cette absence est particulièrement préoccupante au regard des défis sécuritaires croissants qui menacent directement le fonctionnement de l’université et de nombreuses autres institutions en Haïti.

Les récentes vagues de violence qui secouent la région métropolitaine de Port-au-Prince affectent gravement l’UEH, où les bâtiments de plusieurs facultés ont été attaqués, pillés et incendiés par des gangs armés. Ces violences, qui se déroulent dans un climat d’impunité généralisée, ciblent sans distinction des entités de l’UEH, notamment la Faculté des Sciences, la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire, la Faculté de Médecine et de Pharmacie, la Faculté de Linguistique Appliquée, et la Faculté de Droit et des Sciences Économiques, rendant le quotidien universitaire incertain pour des milliers d’étudiants et d’enseignants.

Cette insécurité persistante n’affecte pas seulement l’UEH. Les hôpitaux publics, les écoles et d’autres institutions vitales sont également pris pour cible dans la région métropolitaine. Selon plusieurs rapports, ces attaques à répétition contre des infrastructures essentielles, associées à la mainmise des gangs sur des quartiers entiers, créent un environnement hostile, empêchant le bon déroulement des activités académiques, sanitaires et administratives. Des dizaines de milliers d’étudiants, de patients, de fonctionnaires et de travailleurs vivent désormais sous la menace constante d’enlèvements, de violences physiques et de pillages, ce qui nuit à la stabilité et au développement du pays.

Face à ces défis, Jean Poincy a exprimé la difficulté croissante pour l’UEH de planifier des investissements à long terme, essentiels pour répondre aux besoins d’infrastructures et améliorer les conditions d’accueil des étudiants. “Nous sommes dans l’obligation soit de récupérer nos locaux ou d’acquérir de nouveaux bâtiments pour garantir un environnement sécuritaire et adéquat pour nos étudiants. Cependant, sans garanties de sécurité et sans budget d’investissement, il est difficile de concrétiser ces projets,” a-t-il déclaré.

L’UEH, depuis sa création, n’a jamais pu bénéficier d’un campus unifié qui regrouperait l’ensemble de ses facultés. Bien que ce projet ait été maintes fois évoqué par les autorités, il reste non réalisé, freiné par l’instabilité politique, les contraintes budgétaires et désormais par les enjeux de sécurité. Cette dispersion physique complique la gestion de l’UEH, dont les ressources sont dispersées entre plusieurs sites, exposant ses infrastructures et son personnel aux risques d’attaques.

En plus de l’UEH, des vagues successives de violence secouent régulièrement Port-au-Prince et ses environs. Des quartiers comme Martissant, Carrefour, Delmas, et Croix-des-Bouquets sont devenus des zones de non-droit, contrôlées par des groupes armés. Cette situation a un impact direct sur les institutions académiques et sociales du pays, paralysant le secteur éducatif et empêchant de nombreux enfants d’accéder à l’éducation. La situation est d’autant plus dramatique pour les hôpitaux publics, où la prise en charge des patients est compromise par la violence et les menaces.

Jean Poincy a lancé un appel pressant aux autorités, les exhortant à prendre des mesures pour que l’UEH puisse investir sans craindre des contraintes administratives et sécuritaires. Il insiste sur la nécessité pour l’État d’agir avec urgence et efficacité pour renforcer la sécurité autour des institutions publiques, garantir la libre circulation dans les zones urbaines et protéger les infrastructures essentielles.

La crise sécuritaire qui secoue Haïti s’avère donc être bien plus qu’un simple problème de violence urbaine ; elle paralyse le fonctionnement des institutions et met en péril l’avenir éducatif, sanitaire et social du pays. Tandis que les autorités haïtiennes peinent à contenir l’emprise des gangs, l’UEH et d’autres établissements publics restent démunis, sans ressources adéquates pour assurer la sécurité et la pérennité de leurs missions essentielles.