PORT-AU-PRINCE, mercredi 8 mars 2023– Marie Rosy Auguste Ducéna, responsable de programme au Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a dénoncé mercredi les violences faites aux femmes et aux filles en Haïti.
Lors d’une intervention devant la Commission Interaméricaine des Droits Humains (CIDH) sur la situation des femmes en Haïti dans le contexte de violence, Rosy Ducéna a déclaré : » Sous le regard indifférent des autorités étatiques, nous femmes haïtiennes sommes battues, violées par nos conjoints. Nos filles subissent toutes sortes de sévices sexuels de la part de leurs enseignants, de la part de membres de famille ayant autorité sur elles ou par tout autre homme fréquentant la maison »
Elle a souligné qu’aucune protection n’est non plus accordée, à celles qui vivent avec une déficience sensorielle, physique ou mentale, ajoutant qu’en moyenne, 7 d’entre nous sont victimes par jour en Haïti, de violences basées sur le genre.
Elle a déclaré que dans les quartiers défavorisés, ‘‘les femmes évoluons dans la négation de leur droit à un niveau de vie suffisant. Sans accès aux services sociaux de base, nous sommes vulnérabilisées par un Etat qui ne considère pas comme une obligation de réaliser nos droits à l’éducation, à la santé, à un logement décent et au travail.’’
‘‘Depuis 2018, a-t-elle poursuivi, ces quartiers sont le théâtre d’affrontements entre gangs armés qui, sous le couvert de luttes hégémoniques, défendent des intérêts politiques, électoralistes et économiques. Lors de ces affrontements, nous sommes assassinées au même titre que les hommes. De plus, nous sommes aussi victimes de viols collectifs.’’
Mme Ducéna a indiqué que de 2018 à nos jours, au moins 137 femmes ont été violées dont 17 exécutées lors de guerre des gangs dans ces quartiers contrôlés entièrement par des bandes criminelles.
La militante des droits humains a fait remarquer que, ‘‘lorsque les femmes amenées à se déplacer en raison de ces conflits armés, elles sont poursuivies sur les places publiques où elles réfugient, pour encore et encore être violées. Nous sommes aussi violées sur les routes nationales, à même le bitume, au vu et au su de tous’’, a-t-elle soutenu.
« Nous nous retrouvons aussi parmi les 15 personnes enlevées chaque jour en moyenne en Haïti, pour être non seulement séquestrées contre rançon, mais aussi violées ou menacées d’être violées avec tellement de détails que souvent, nous vivons l’agression sans même encore la subir », a-t-elle déclaré.
Elle a affirmé qu’il n’existe qu’une seule prison pour femmes et filles, ajoutant que dans les autres 18 prisons fonctionnelles du pays, la séparation des détenus ne se fait que par cellules. Il en résulte que les femmes restent accessibles aux hommes détenus qui les invectivent, les menacent de les mettre la main dessus et les violent à chaque mutinerie, à chaque tentative d’évasion et même à chaque évasion.
Ceci a déjà été enregistré à 2 reprises à la prison civile des Gonaïves où 11 et 17 d’entre nous ont respectivement été violées en novembre 2019 et janvier 2023, avec la complicité passive des autorités affectées à la sécurité de cette prison, a-t-elle souligné.
En plus des autres violations dont sont victimes les femmes incarcérées, Mme Ducéna a fait remarquer qu’au 27 février 2023, 85.5 % d’entre nous, incarcérées, sont en attente de jugement contre 82.6 % des hommes et garçons en situation de détention préventive comme les femmes.
Elle a souhaité que la CIDH recommande le renforcement les capacités de la police haïtienne, dans le but de réduire l’insécurité généralisée et de protéger les femmes et les filles ; que l’appareil judiciaire haïtien soit porté à enquêter sur les violations massives de droits humains perpétrées continuellement en Haïti ; ainsi que la réduction de la détention préventive illégale et arbitraire des femmes et des filles.
Elle a également sollicité de la commission une visite in loco en vue de prendre connaissance de la situation des Droits Humains en général et de celle des personnes privées de liberté en Haïti, en particulier.