Au moins 52 femmes et filles ont systématiquement subi des viols collectifs en juillet dernier lors de la guerre des gangs à Cité Soleil, révèle un rapport du RNDDH…

Jimmy Cherizier alias ‘‘Barbecue,’’ chef du G-9 an Fanmi e Alye et sa bande lourdement armée lors d’une démonstration pour une télévision américaine…

PORT-AU-PRINCE, mardi 16 août 2022– Selon le rapport toujours partiel du réseau national de défense des droits humains (RNDDH), personne n’a été épargnée lors de la guerre des gangs qui a duré du 7 au 17 juillet 2022 à Cité Soleil. Le rapport souligne que les femmes et les filles ont été systématiquement violées, battues et humiliées.

Au moins cinquante-deux (52) femmes et filles victimes de viols collectifs et répétés selon le RNDDH qui affirme s’être entretenu avec elles.

Le rapport fait état d’au moins d’une (1) mineure de quatorze (14) ans qui a été recensée parmi les victimes, douze (12) survivantes sont âgées de dix-huit (18) à vingt-cinq (25) ans ; trente-huit (38) survivantes sont âgées de vingt-six (26) à quarante-neuf (49) ans et d’une (1) survivante est âgée de cinquante-cinq (55) ans.

Le document souligne que vingt (20) parmi les victimes ont été violées en présence de leur progéniture et une (1) autre, en présence de ses parents. Deux (2) autres victimes ont été violées en présence de leur conjoint.

Le rapport ajoute que six (6) victimes ont assisté à l’exécution de leur conjoint avant d’être violées à leur tour et quatre (4) autres ont été violées en dépit de leur grossesse. Quatorze (14) parmi les victimes ont été violées à Dèyè Mi, precise le document du RNDDH.

Le RNDDH précise qu’aucun agresseur n’a utilisé de protection et les victimes pour la plupart n’ont pas pu se rendre à l’hôpital dans le délai de soixante-douze (72) heures, recommandé par les médecins pour se soumettre à une prophylaxie antirétrovirale.

‘‘Les raisons sont nombreuses selon l’organisation qui cite notamment l’incapacité de se déplacer en raison des affrontements, séquestration des victimes par leurs agresseurs, manque de connaissance en la matière, peur de la prophylaxie pour l’avoir déjà suivie, etc.’’

Le rapport souligne que les personnes ayant assisté aux viols collectifs de leurs proches, rencontrées par le RNDDH, sont nombreuses à nourrir un sentiment de culpabilité, estimant qu’elles auraient dû intervenir pour éviter une telle atrocité, quitte à perdre la vie. Les victimes survivantes sont aussi nombreuses à regretter d’être encore en vie.

L’organisation de droits humains rappelle ‘‘qu’à chaque attaque armée dans les quartiers défavorisés, ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont les premières victimes, c’est-à-dire, les enfants, les femmes et les filles, les personnes du troisième âge, les personnes à mobilité réduite ainsi que les personnes souffrant d’un handicap sensoriel.’’

Selon le RNDDH, lors de ces événements sanglants, le corps des femmes et des filles est souvent utilisé comme arme de guerre, pour atteindre le groupe rival. Et justement, plusieurs parmi les survivantes rencontrées dans le cadre de cette enquête ont témoigné avoir été soumises à un interrogatoire avant d’être violées comme punition par les bandits armés qui leur reprochaient d’entretenir des relations privilégiées avec le chef de gang Gabriel Jean-Pierre alias ‘‘Ti Gabriel.’’

Le RNDDH rappelle que de nombreux viols ont été enregistrés lors des seize (16) massacres et attaques armées, perpétrés de 2018 à 2022 et documentés par le RNDDH. Cependant, au cours de celui de Cité Soleil enregistré du 7 au 17 juillet 2022, le nombre de victimes d’agressions sexuelles a exponentiellement augmenté.

Il dénonce la facilité d’accès du ‘‘G-9 an Fanmi e Alye’’, aux matériels et équipements de l’Etat. Le RNDDH souligne en ce sens qu’au cours du massacre à Cité Soleil objet de ce rapport, des engins lourds du CNE et du Ministère des Travaux Publics Transport et Communication ont été mis à la disposition du G-9 an Fanmi e Alye qui bénéficie aussi de la protection de certaines unités spécialisées de la Police Nationale d’Haïti (PNH).

L’organisation rappelle que le 11 août 2005, un décret portant sur le régime des agressions sexuelles et incriminant le viol, a été adopté. Il condamne de dix (10) ans jusqu’à perpétuité, toute personne impliquée dans un cas de viol et tient compte des circonstances aggravantes d’âge de la victime, d’autorité de l’agresseur par rapport à la victime ou de complicité avec d’autres agresseurs, dans la perpétration dudit crime.

Selon le RNDDH, de 2006 à 2019, de nombreux efforts ont été enregistrés pour réprimer sévèrement les crimes sexuels. Pour cette période, au moins six-cent-quatre-vingt-neuf (689) individus ont été condamnés par l’appareil judiciaire haïtien, soit une moyenne de quarante-neuf (49) condamnations par année.

Cependant, il note que depuis 2019, les procès relatifs à des cas d’agressions sexuelles se sont raréfiés. Et, c’est justement cette raréfaction des audiences pour crimes sexuels qui, consacrant la systématisation de l’impunité, porte les bandits à s’adonner à des cas de viols collectifs et répétés, sans peur d’être poursuivis et condamnés, conformément à la Loi.

Le RNDDH dit condamner la passivité des autorités étatiques qui, en fermant les yeux sur les massacres et attaques armées dans les quartiers défavorisés ainsi que sur les exactions qui y sont commises, continuent de se faire complices des bandits armés.

« Elles n’ont jamais rien fait en vue de freiner ces événements sanglants. Les victimes ne bénéficient, pour leur part, d’aucune forme d’assistance. Pire, les bourreaux de la population haïtienne sont aujourd’hui très puissants auprès de la coalition politique actuellement au pouvoir. Par ce comportement, les autorités étatiques ne font que prouver le degré de leur mépris pour la vie de la population haïtienne », déclare le RNDDH.

Il recommande aux autorités étatiques de fournir une assistance médicale et psychosociale aux victimes de viols collectifs et répétés ainsi qu’à leurs proches et de poursuivre et punir tous les individus impliqués dans les viols collectifs et répétés perpétrés à l’encontre des survivantes de Cité Soleil.