”Au moins 3.661 personnes tuées en Haïti depuis janvier en raison de la violence des gang,” selon l’INU…

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk...

NEW-YORK, vendredi 27 septembre 2024– La crise sécuritaire en Haïti atteint des niveaux critiques, avec un bilan humain de plus en plus alarmant. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), au moins 3.661 personnes ont été tuées depuis le début de l’année 2024 en raison de la violence liée aux gangs armés qui terrorisent le pays. Ce chiffre, issu d’un rapport récent publié par les Nations Unies, marque une hausse sans précédent de la criminalité, particulièrement à Port-au-Prince et dans plusieurs départements tels que l’Artibonite. L’urgence de la situation, exacerbée par des violations massives des droits humains, impose une action immédiate pour prévenir de nouvelles pertes de vies humaines. « Aucune autre vie ne devrait être perdue du fait de cette criminalité insensée », a souligné Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

Le rapport du HCDH, qui couvre la période de janvier à juin 2024, souligne la recrudescence des meurtres, des déplacements forcés, et des abus perpétrés par les gangs armés. La violence a transformé des quartiers entiers en zones de non-droit, notamment dans des lieux comme Cité Soleil, considéré comme l’un des endroits les plus dangereux de la capitale. Outre les meurtres, au moins 860 personnes ont perdu la vie et 393 autres ont été blessées lors d’opérations de police à Port-au-Prince, un chiffre qui soulève des questions quant au recours excessif à la force de la part des autorités. Parmi les victimes figurent au moins 36 enfants, et l’implication croissante des mineurs dans les gangs inquiète particulièrement la communauté internationale.

Face à cette montée des violences, Volker Türk a mis en avant l’importance d’une réponse coordonnée pour endiguer le fléau des gangs armés. Il a salué les initiatives récentes du gouvernement haïtien, comme la mise en place d’un Conseil présidentiel de transition et la formation d’un nouveau gouvernement, mais il a surtout insisté sur le déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti (MMAS). Cette force, composée pour l’instant de 430 membres, vise à rétablir la sécurité et permettre aux autorités haïtiennes de reprendre le contrôle des zones sous influence des gangs. « Il est clair, cependant, que la Mission a besoin d’équipements et de personnel adéquats et suffisants pour lutter efficacement et durablement contre les gangs armés », a précisé M. Türk, tout en appelant la communauté internationale à soutenir davantage les efforts en cours.

Le rapport met également en lumière l’utilisation croissante de la violence sexuelle par les gangs. Des viols et agressions sont utilisés comme des armes pour punir, contrôler et terroriser les populations locales, un phénomène qui s’est aggravé durant la première moitié de 2024. « Les gangs ont continué à utiliser la violence sexuelle pour punir, répandre la peur et assujettir les populations », indique le rapport du HCDH. Les femmes, souvent prises pour cibles, sont soumises à des abus brutaux visant à maintenir un climat de terreur dans les communautés sous l’emprise des gangs.

L’impact de cette crise dépasse largement le cadre des villes et des centres urbains. L’Artibonite, connu pour être le grenier agricole d’Haïti, a vu sa production alimentaire gravement perturbée par les violences des gangs, qui ont contraint les agriculteurs à abandonner plus de 3.000 hectares de terres cultivables. Cette perte de terres menace la sécurité alimentaire dans tout le pays, déjà extrêmement précaire, alors que l’on estime qu’environ 1,6 million de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë.

La crise humanitaire est également marquée par l’augmentation massive du nombre de déplacés internes. Près de 80 % des personnes déplacées cherchent refuge dans des familles d’accueil, mais beaucoup sont forcées de vivre dans des camps de fortune, souvent situés dans des zones à haut risque ou sous contrôle des gangs. Les conditions de vie dans ces abris sont désastreuses, avec peu d’accès à des services essentiels comme l’eau potable ou les soins de santé, exacerbant encore davantage la souffrance des populations touchées.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a appelé les autorités haïtiennes à renforcer la police nationale et les institutions judiciaires, profondément affaiblies par la corruption et l’inefficacité, afin de rétablir l’État de droit dans les régions dévastées par la violence. Volker Türk a également insisté sur la nécessité de protéger les enfants, qui sont de plus en plus recrutés par les gangs, et de redoubler d’efforts pour combattre les violences sexuelles. « Les autorités doivent prendre des mesures robustes pour renforcer la police et les autres institutions étatiques paralysées par une corruption endémique, y compris le système judiciaire, afin de rétablir l’État de droit et s’assurer que ceux qui sont impliqués dans la commission de violations et d’abus soient tenus responsables de leurs actes », a-t-il déclaré.

Enfin, le chef des droits de l’homme de l’ONU a exhorté la communauté internationale à faire respecter l’embargo sur les armes, ainsi que les interdictions de voyage et les gels d’avoirs imposés par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Selon M. Türk, ces mesures sont essentielles pour bloquer l’approvisionnement en armes des gangs haïtiens et limiter leurs capacités à perpétrer de nouvelles violences. « La communauté internationale doit mettre en œuvre de manière globale l’embargo ciblé sur les armes, l’interdiction de voyager et le gel des avoirs imposés par le Conseil de sécurité des Nations Unies, afin d’endiguer la violence des gangs en Haïti », a-t-il insisté.

La situation en Haïti, marquée par une spirale de violence, nécessite des actions immédiates et coordonnées à la fois au niveau national et international pour mettre un terme à la souffrance des populations civiles, restaurer l’ordre et rétablir les conditions nécessaires à une reprise économique et sociale.