PONT-SONDÉ ( Artibonite), 3 octobre 2024– Pont-Sondé, situé dans le département de l’Artibonite à quelques kilomètres de Saint-Marc, a été ravagée par une attaque meurtrière menée par le gang Gran Grif de Savien. Dirigés par le chef de gang Luckson Elan, les hommes lourdement armés ont envahi la ville dans la nuit du 2 au 3 octobre, exécutant au moins 20 personnes et blessant grièvement plus de 50 autres, selon divers témoignages d’habitants. Des bâtiments ont été incendiés, et les victimes ont été tuées sans distinction d’âge ou de sexe. L’horreur de cette attaque avait été préfigurée par un message vocal diffusé par le chef de gang sur les réseaux sociaux, 24 heures avant le massacre, annonçant l’assaut imminent sur Pont-Sondé.
Le climat de terreur s’est instantanément répandu parmi les habitants de la région, contraignant des milliers d’entre eux à fuir leurs foyers pour se réfugier à Saint-Marc. Face à cette nouvelle vague de violence, les structures sanitaires locales, notamment le centre hospitalier de Saint-Marc, sont complètement débordées, incapables de gérer l’afflux massif de blessés dans des conditions déjà précaires. Des appels à la solidarité citoyenne ont été lancés pour venir en aide aux victimes, tandis que la région tente de faire face à la désolation laissée par cette attaque.
Le gang Gran Grif, basé à Savien, est l’un des groupes armés les plus redoutés dans l’Artibonite. Sous la direction de Luckson Elan, il a multiplié les attaques meurtrières, les enlèvements et les actes d’extorsion dans la région. Les Nations Unies, dans plusieurs rapports publiés en 2023 et 2024, ont tiré la sonnette d’alarme sur la violence perpétrée par ce gang, ainsi que sur l’impact dévastateur qu’elle a sur les populations locales. Le rapport de l’ONU d’avril 2023 estime que plus de 800 civils ont été tués par des gangs dans la région de l’Artibonite au cours des deux dernières années, et que des milliers d’autres ont été blessés ou déplacés en raison de la violence incessante.
Luckson Elan a été sanctionné par les États-Unis et les Nations Unies pour son rôle dans les activités criminelles de Gran Grif. Les sanctions imposées mettent en lumière les violations des droits humains commises par ce gang et renforcent l’appel international à une action concertée pour rétablir l’ordre et la sécurité dans la région.
L’Artibonite, considérée comme l’une des régions les plus fertiles d’Haïti et surnommée le “grenier du pays”, subit depuis plusieurs années des conséquences économiques catastrophiques à cause de l’insécurité instaurée par les gangs comme Gran Grif. L’attaque contre Pont-Sondé ne fait qu’accentuer cette situation. Les agriculteurs, qui dépendent de la production rizicole et de l’élevage pour subsister, sont forcés d’abandonner leurs terres en raison des menaces constantes et des incursions armées. La région, autrefois prospère, est aujourd’hui en grande difficulté, ses habitants n’ayant plus la liberté de circuler ou de cultiver leurs champs en toute sécurité.
Les marchés locaux, qui assuraient la vitalité économique de l’Artibonite, sont désormais désertés, paralysés par la peur des attaques. Les commerçants sont incapables de se déplacer pour vendre leurs produits, et l’accès aux produits de première nécessité est devenu très limité pour les populations locales. Cette instabilité affecte également les infrastructures sanitaires, avec des hôpitaux débordés qui peinent à répondre aux besoins des blessés, non seulement des victimes des attaques mais aussi des habitants ordinaires nécessitant des soins.
Les impacts sociaux sont tout aussi graves. La violence perpétrée par Gran Grif a poussé des milliers de personnes à quitter leurs maisons. Selon les estimations des Nations Unies, plus de 700 000 personnes ont été déplacées en Haïti depuis le début de 2023, un nombre qui ne cesse d’augmenter avec chaque nouvelle attaque. À Pont-Sondé et dans les environs, la population vit dans une précarité accrue, subissant des violences récurrentes et un manque d’accès à l’éducation, à la santé et à la nourriture. Les écoles, déjà fermées depuis plusieurs mois dans certaines zones de l’Artibonite, ne peuvent plus fonctionner, privant les enfants de l’accès à l’instruction. La montée de l’insécurité a exacerbé la vulnérabilité des populations, créant un climat de désespoir.
Face à cette violence grandissante, l’État haïtien semble dépassé. Les forces de police, souvent sous-équipées et en sous-effectif, ne parviennent pas à rétablir l’ordre dans cette région stratégique. Des rapports récents indiquent que de nombreux policiers ont été tués ou blessés lors de tentatives de répression des gangs dans l’Artibonite. La Police Nationale d’Haïti (PNH) peine à déployer des forces suffisantes pour contrer des gangs lourdement armés comme Gran Grif, et les agents sur place font face à des dangers permanents.
Le manque de coordination entre les différentes forces de sécurité et l’absence de ressources suffisantes compliquent davantage la lutte contre ces groupes armés. Alors que la population se retrouve de plus en plus exposée aux violences, les autorités peinent à sécuriser les grandes villes, laissant des zones rurales comme Pont-Sondé à la merci des gangs.
Les rapports des Nations Unies et d’autres organisations humanitaires mettent en lumière l’urgence de la situation, soulignant la nécessité d’une intervention coordonnée pour restaurer la sécurité dans cette région cruciale pour l’économie et la stabilité d’Haïti.
Des appels à l’aide internationale se font entendre, tandis que des initiatives locales tentent de renforcer la résilience des populations. Toutefois, sans une réponse ferme et immédiate de l’État haïtien et de ses partenaires internationaux, la situation dans l’Artibonite, notamment dans des localités comme Pont-Sondé, risque de s’aggraver encore davantage, avec des conséquences humanitaires et économiques désastreuses pour l’ensemble du pays.
En attendant, la région demeure sous l’emprise des gangs, et la population civile, désespérée, cherche refuge face à une violence qui semble incontrôlable.