PORT-AU-PRINCE, mercredi 31 janvier 2024– En l’espace de seulement deux semaines, près de 2 500 personnes, principalement des femmes et des enfants, ont de nouveau étés déplacés par les violences dans la capitale Port-au-Prince, en Haïti, a indiqué l’ONU.
La recrudescence de la violence armée en Haïti a déclenché une profonde crise humanitaire et, dans son sillage, une hausse du nombre d’enfants déplacés à l’intérieur du pays, qui s’élève désormais à 170 000, a averti le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) en début de semaine.
« En Haïti, les enfants et les familles subissent des vagues incessantes d’extrême violence, chaque jour apportant son lot d’horreurs telles que la perte d’êtres chers ou l’incendie de leur maison. La peur est omniprésente », a déclaré Bruno Maes, Représentant de l’UNICEF en Haïti, qui a visité trois sites d’accueil pour personnes déplacées dans le centre de Port-au-Prince.
Les derniers chiffres de l’ONU, qui s’appuient sur une étude conjointe de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de la Direction générale de la Protection civile (DGPC) haïtienne, datant de janvier 2024, révèlent que près de 314 000 personnes ont été contraintes de fuir leur domicile pour se réfugier ailleurs dans le pays, principalement à Port-au-Prince et dans le département de l’Artibonite.
Le nombre de déplacés a doublé en un an
Ce chiffre alarmant a doublé en un an et met en évidence la détérioration rapide de la situation dans le pays et ses profondes répercussions sur les enfants et les familles les plus vulnérables, signale l’UNICEF.
En outre, en l’espace de seulement deux semaines, près de 2 500 personnes, là encore pour la plupart des femmes et des enfants, ont de nouveau été déplacées à la suite d’affrontements dans les quartiers de Solino et de Gabelliste à Port-au-Prince, la capitale haïtienne.
Les données montrent qu’en dehors de la capitale, les familles d’accueil hébergent les personnes déplacées, tandis que pour la zone métropolitaine de Port-au-Prince seulement 45 % des personnes déplacées sont hébergées par des communautés d’accueil, une tendance à la baisse qui démontre la détérioration de la situation pour l’ensemble de la population, y compris les familles d’accueil et leur capacité à faire face à la situation.
Ces enfants sont aux prises avec une crise qui leur vole l’essence même de leur enfance.
La situation actuelle met à rude épreuve les ressources déjà limitées des communautés d’accueil et des services sociaux existants.
« Privés de tout service essentiel, notamment de nourriture, de soins de santé et d’éducation, ces enfants sont aux prises avec une crise qui leur vole l’essence même de leur enfance. C’est une véritable catastrophe humanitaire qui se joue sous nos yeux », a déploré M. Maes.
Les rapports préliminaires reçus par l’UNICEF, qui dressent un tableau déchirant de la crise actuelle, font état de graves violations des droits de l’enfant, notamment d’enfants pris au piège dans des tirs croisés, blessés ou tués, dont certains sur le chemin de l’école.
Par ailleurs, un nombre croissant d’enfants sont recrutés de force par les groupes armés, tandis que d’autres les rejoignent par pur désespoir.
Les communautés d’accueil et les services débordés
Cette violence, qui se conjugue à des manifestations et à des protestations dans divers départements du pays, a entraîné la fermeture temporaire de centaines d’écoles, privant ainsi les enfants de leur droit à l’éducation.
L’accès aux services sociaux essentiels est également entravé, une situation qui sape les efforts des acteurs humanitaires, dont les interventions d’urgence jouent pourtant un rôle crucial pour les personnes ayant besoin d’une aide vitale.
« Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que l’avenir des enfants en Haïti est menacé par des souffrances incessantes. Chaque moment d’inaction contribue à aggraver cette crise dévastatrice qui met leur vie en danger. La communauté internationale a le devoir d’apporter de l’espoir et du changement à ces jeunes, en leur assurant un avenir meilleur et plus sûr », a ajouté Bruno Maes.
Des personnes qui ont fui leur domicile en raison de l’insécurité ont trouvé refuge dans un théâtre du centre-ville de Port-au-Prince. © UNOCHA/Giles Clarke Des personnes qui ont fui leur domicile en raison de l’insécurité ont trouvé refuge dans un théâtre du centre-ville de Port-au-Prince.
L’UNICEF estime qu’en 2024 trois millions d’enfants en Haïti auront besoin d’une aide humanitaire en raison de l’escalade de la violence, de la malnutrition, de la résurgence du choléra et de l’effondrement des services de base.
Plus d’un tiers d’entre eux ont un besoin urgent de protection, un nombre qui devrait augmenter si la situation continue de s’aggraver. Alors qu’Haïti est d’ores et déjà la nation la plus pauvre de l’hémisphère occidental, la crise actuelle ne fait que démultiplier les vulnérabilités du pays.
Face à ces défis, l’UNICEF et ses partenaires dispensent une aide multisectorielle dans les zones touchées, notamment aux enfants séparés de leur famille et à ceux qui ont été victimes de violences, y compris un accès aux soins médicaux, au soutien psychosocial et à des espaces sûrs où les enfants peuvent entamer un processus de guérison et de rétablissement.
L’UNICEF a lancé un appel de 221,7 millions de dollars pour 2024, afin de pouvoir répondre efficacement aux besoins humanitaires en Haïti.
Pour les agences de l’ONU, la tendance des déplacements forcés « met en évidence une détérioration constante de la sécurité et de la situation humanitaire ».
« Bien que les humanitaires continuent à faire tout leur possible pour fournir une assistance vitale, l’aide humanitaire n’est pas la seule solution. Davantage d’investissements sont nécessaires dans des solutions à long terme pour renforcer les services de l’État à travers le pays », a souligné Philippe Branchat, chef de l’OIM en Haïti.
Haïti est confrontée à une crise multidimensionnelle. Non seulement le pays est régulièrement affecté par des risques naturels, tels que les tremblements de terre, les tempêtes et les inondations, mais il est également touché par la violence propagée par des centaines de gangs.
Malgré la détérioration de la situation sécuritaire dans la capitale, l’OIM et ses partenaires, les autorités et les dirigeants locaux, continuent de fournir de l’aide là où elle est le plus nécessaire, contribuant à assurer la protection des personnes les plus vulnérables en déplacement, telles que les jeunes femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées.