PORT-AU-PRINCE, jeudi 3 avril 2025,(RHINEWS)-« Les assassins sont dans la ville ! » Jean Dominique l’avait dit, et son cri résonne encore, vingt-cinq ans après son assassinat, dans les rues de Port-au-Prince et les couloirs du pouvoir. Vingt-cinq ans d’attente, d’obstruction et de manœuvres judiciaires pour empêcher que justice ne soit rendue.
Le 3 avril 2000, le journaliste emblématique et son gardien, Jean-Claude Louissaint, étaient abattus dans l’enceinte de Radio Haïti Inter. Un quart de siècle plus tard, l’affaire piétine encore, enfermée dans les méandres d’une justice sous influence. « Un crime sans coupable, c’est une société qui se meurt », martèle SOS Journalistes, dénonçant un blocage systématique orchestré au plus haut niveau de l’État.
Le dossier, depuis longtemps enlisé à la Cour de Cassation, reste suspendu aux décisions d’un commissaire du gouvernement qui, depuis plus de douze ans, se mure dans l’inaction. L’organisation de défense des journalistes pointe du doigt le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et le gouvernement d’Alix Didier Fils-Aimé, les accusant d’avoir intentionnellement entravé la procédure pour protéger des figures politiques influentes.
L’un des moments-clés de cette affaire remonte à janvier 2014, lorsque le rapport du juge instructeur Yvickel Dabrézil, après avoir été soumis à la Cour d’Appel, a été contesté par Mirelande Libérus-Pavert. Ancienne sénatrice et proche de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide, elle est citée parmi les personnalités impliquées dans le meurtre. Son pourvoi en cassation n’a fait que prolonger l’interminable attente de vérité, tandis que d’autres accusés se sont employés à multiplier les recours pour retarder encore et encore l’instruction.
Mais le dossier Jean Dominique n’est pas seulement une affaire de paperasse judiciaire. C’est une question de sang versé et de silences imposés. Oriel Jean, ancien chef de sécurité d’Aristide, avant d’être assassiné en mars 2015, avait publiquement désigné son ancien patron comme commanditaire du meurtre. Depuis, plusieurs témoins ont été éliminés, les menaces n’ont jamais cessé, et les défenseurs de la vérité vivent sous la menace constante de représailles.
Face à cet échec flagrant du système judiciaire haïtien, SOS Journalistes promet d’intensifier la lutte et de mettre les autorités devant leurs responsabilités. Le combat pour Jean Dominique ne peut plus attendre. « Les assassins sont dans la ville », et tant qu’ils ne seront pas jugés, c’est la liberté de la presse, la démocratie et la justice qui seront leurs prochaines victimes.