BARBADE, vendredi 21 février 2025 –
Lors d’une conférence à la Barbade réunissant les dirigeants du bloc commercial caribéen Caricom, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a annoncé son intention de demander à l’Organisation d’assumer le financement des dépenses structurelles et logistiques d’une force multinationale engagée dans la lutte contre les gangs violents en Haïti.
Dans son intervention, Guterres a expliqué que si le Conseil de sécurité accepte sa proposition, cela permettrait de mettre en place une force opérationnelle capable de vaincre les groupes armés et de créer les conditions nécessaires au rétablissement de la démocratie dans le pays. Il a également précisé que les salaires de cette force seraient couverts par un fonds fiduciaire déjà existant.
Selon le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, le soutien prévu inclurait également la fourniture de moyens logistiques et d’équipements non létaux. Un plan détaillé devrait être présenté d’ici la fin du mois de février. Toutefois, Dujarric a souligné qu’il ne s’agirait pas d’une mission de maintien de la paix classique, la structure actuelle devant demeurer inchangée, bien que Guterres reste ouvert à cette option en ultime recours.
La mission actuelle, soutenue par l’ONU, mobilise environ 800 policiers kenyans, complétés par des soldats et agents de sécurité en provenance de pays tels que la Jamaïque, le Guatemala et le Salvador, qui opèrent aux côtés de la Police nationale haïtienne. L’année dernière, tant Haïti que les États-Unis avaient déjà mis en garde contre les effectifs insuffisants et le manque de ressources de cette opération, appelant à la mise en place d’une véritable mission de maintien de la paix des Nations Unies.
Dans une déclaration récente, le gouvernement haïtien a confirmé que Laurent Saint-Cyr, conseiller présidentiel, avait rencontré Guterres pour réitérer la demande d’une force de maintien de la paix de l’ONU. Le gouvernement a affirmé que le Conseil présidentiel transitoire reste déterminé à résoudre la crise, à impulser des réformes constitutionnelles, à organiser des élections générales et à répondre aux besoins humanitaires.
Sous l’administration Biden, les États-Unis avaient contribué environ 600 millions de dollars à cette mission. Il reste incertain si ce financement se poursuivra sous la présidence de Donald Trump, bien que le Secrétaire d’État Marco Rubio ait récemment réaffirmé l’engagement de l’administration en appelant les nations riches à apporter davantage de contributions.
Sur le terrain, la situation reste critique. En effet, Haïti n’a pas organisé d’élections depuis 2016 et subit depuis plusieurs mois une recrudescence d’atrocités : au moins quatre massacres majeurs ont été perpétrés, faisant des centaines de victimes. Guterres a dénoncé ces faits en qualifiant la situation d’« affreuse » et a insisté sur la nécessité de soutenir un processus politique haïtien, mené par ses propres acteurs, pour restaurer les institutions démocratiques via des élections.
Cependant, le Groupe international de crise, basé en Belgique, met en garde contre une tenue prématurée des élections, soulignant que l’augmentation de la violence des gangs pourrait compromettre leur bon déroulement. Haïti est actuellement dirigé par le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et un Conseil présidentiel transitoire composé de neuf membres dont le mandat court jusqu’au 7 février 2026. Depuis l’assassinat de Jovenel Moïse en juin 2021, aucun président n’a été élu, et les engagements visant à organiser des élections d’ici février 2026 sont perçus comme difficiles à tenir, surtout lorsque des gangs contrôlent 85 % de la capitale.
Le président du Conseil, Leslie Voltaire, estime pourtant qu’il serait envisageable d’organiser des élections le 15 novembre, avec des suffrages complémentaires début de l’année prochaine, dans les régions haïtiennes dégagées de l’influence des gangs. Néanmoins, les obstacles demeurent : des accusations de corruption, des conflits internes et la menace d’une violence électorale continue. Le Groupe international de crise rappelle que la tenue des élections dépendra largement des fonds disponibles, avec seulement 45 millions de dollars collectés sur les 90 à 120 millions nécessaires.
Plus de 5 600 personnes ont perdu la vie en Haïti l’année dernière, et la violence des gangs a contraint plus d’un million d’habitants à fuir leurs foyers. Mia Amor Mottley, Première ministre de la Barbade et présidente du Caricom, a souligné que la simple annonce d’élections le 15 novembre ne suffirait pas : il est impératif de stabiliser la situation sécuritaire pour garantir un avenir démocratique viable pour Haïti.
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