“Analyse critique du décret du 12 avril 2024 instituant le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et ses multiples contradictions juridiques”….

Les membres du Conseils Presidentiels de Transition (CPT)....

OUANAMINTHE (Nord-Est), lundi 23 décembre 2024– Le Mouvement Mutation Haïti (MMH) s’est engagé à examiner les implications juridiques du décret du 12 avril 2024, ayant institué le Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Ce décret, publié au Journal officiel Le Moniteur, soulève d’importants débats concernant la portée de ses dispositions et la légalité des fonctions attribuées à ses membres. Le MMH, fidèle à sa vocation d’analyse des enjeux d’intérêt national, a pris position sur trois questions fondamentales : le statut des membres du CPT et leur immunité potentielle, la possibilité d’interjeter appel d’un mandat de comparution et la récusation d’un juge d’instruction.

Dans son argumentaire, le MMH répond sans ambiguïté à ces interrogations. Il affirme que les membres du CPT ne peuvent en aucun cas être considérés comme des présidents de la République et sont par conséquent justiciables devant les tribunaux de droit commun. Il précise également que, conformément à la loi haïtienne, il est impossible d’interjeter appel d’un mandat de comparution et que, dans l’état actuel du droit, les juges d’instruction ne sont pas récusables.

Ce positionnement repose sur une analyse approfondie du cadre juridique haïtien et des principes fondamentaux du droit. Selon le MMH, la maxime juridique “Il ne faut pas distinguer là où la loi ne distingue pas” constitue un pilier dans l’interprétation des textes. Ainsi, en l’absence d’une disposition explicite conférant aux membres du CPT le statut de présidents de la République, toute tentative de leur attribuer une telle qualité relève d’une interprétation abusive et contraire à la loi.

Le décret du 12 avril 2024, bien qu’ayant force de loi, ne fait nulle mention d’un transfert de la fonction présidentielle aux membres du CPT. L’article 3 du décret désigne simplement le membre dirigeant comme président du Conseil Présidentiel de Transition, sans lui conférer le titre de président de la République. Cette absence de reconnaissance explicite dans le texte juridique invalide toute prétention à assimiler les membres du CPT à des chefs d’État, une position que le MMH qualifie d’“invention émerveillante” émanant d’acrobaties intellectuelles intéressées.

De surcroît, le MMH rappelle que dans le droit administratif, un fonctionnaire peut exercer temporairement des prérogatives sans être investi des droits inhérents à la fonction. Il cite notamment le cas des présidents par intérim en Haïti, dont les attributions présidentielles sont strictement limitées par l’article 149 de la Constitution. Selon cet article, le Conseil des ministres, présidé par le Premier ministre, remplace le président de la République en cas de vacance du poste. Cependant, ni le Premier ministre ni les ministres ne deviennent présidents pour autant.

Le MMH souligne également que le décret du 12 avril 2024 s’écarte du cadre constitutionnel en instituant une instance collégiale au sommet de l’État. Il s’agit, selon l’organisation, d’une violation flagrante de la forme de gouvernement prévue par la Constitution, qui repose sur un exécutif incarné par un président unique. Cette unicité est essentielle pour préserver l’équilibre démocratique et assurer l’incarnation symbolique de l’unité nationale.

Dans son analyse, le Mouvement Mutation Haïti ne manque pas de rappeler que, dans un État de droit, aucun décret ne peut supplanter la Constitution. Toute disposition contraire à la loi fondamentale est inopérante, même si elle est motivée par des nécessités politiques. Le décret du 12 avril 2024, en prétendant instaurer un organe présidentiel collégial, se heurte non seulement à la Constitution haïtienne, mais aussi aux principes démocratiques fondamentaux qui exigent un pouvoir exécutif individuel et clairement défini.

Quant à la question de l’immunité, le MMH réfute l’existence d’une protection absolue pour les membres du CPT. En Haïti, l’immunité présidentielle n’est pas consacrée par la législation en vigueur. Elle se limite aux prérogatives accordées par la Constitution pour les actes commis dans l’exercice des fonctions présidentielles, une distinction que le MMH juge cruciale. L’organisation illustre cette distinction par une hypothèse juridique selon laquelle un président en exercice, accusé de crimes personnels, ne pourrait prétendre à une protection juridique devant la Haute Cour de Justice si les faits ne relèvent pas directement de ses fonctions officielles.

L’organisation poursuit en examinant les conséquences de l’absence d’un cadre juridique clair autour du CPT. Elle met en garde contre les risques d’une gouvernance confuse, où les responsabilités individuelles se diluent dans un système collégial. Selon le MMH, cette dilution des responsabilités compromet non seulement la transparence, mais également la capacité à tenir les membres du CPT responsables de leurs actions.

Enfin, le MMH conclut que le décret du 12 avril 2024 constitue une atteinte à la suprématie de la Constitution et au principe de séparation des pouvoirs. Il appelle les autorités compétentes à se conformer strictement au cadre constitutionnel, rappelant que seule une révision de la loi fondamentale, réalisée dans les formes prévues, pourrait légitimer une modification aussi profonde de l’organisation du pouvoir exécutif.

Le Mouvement de Mutation Haïtien (MMH) analyse en également la question du mandat de comparution et de la récusation du juge d’instruction dans le système judiciaire haïtien, en mettant en avant des principes constitutionnels et légaux essentiels pour le bon fonctionnement de la justice.

Concernant le mandat de comparution, le MMH insiste sur le fait que cette mesure relève de l’administration judiciaire et ne constitue pas une décision juridictionnelle définitive. L’organisation précise : « En l’état actuel de la législation haïtienne, il est impossible d’interjeter appel contre un mandat de comparution », soulignant que le cadre légal actuel ne prévoit pas cette possibilité. Le MMH cite l’article 8 de la loi du 26 juillet 1979 sur l’appel pénal, qui stipule que seules les ordonnances définitives du juge d’instruction peuvent faire l’objet d’un appel. Ainsi, selon le MMH, « Le mandat de comparution n’étant ni une ordonnance définitive ni coercitive, il ne saurait être inclus parmi les décisions susceptibles d’appel ». L’organisation applique une logique de raisonnement juridique, affirmant : « Les ordonnances du juge d’instruction susceptibles d’appel sont définitives (prémisse majeure). Le mandat de comparution n’est pas une ordonnance définitive (prémisse mineure). Donc, le mandat de comparution n’est pas susceptible d’appel (conclusion) ». Le MMH fait également référence à d’autres ordonnances, telles que celles de soit-communiqué ou de mainlevée, pour souligner que ces dernières ne sont pas non plus susceptibles d’appel.

Quant à la récusation du juge d’instruction, le MMH rappelle que le Code d’instruction criminelle (CIC) ne prévoit pas cette option. « Le droit pénal étant d’interprétation stricte, il n’appartient à personne de suppléer aux lacunes du législateur », indique l’organisation. Le MMH cite un arrêt de la Cour de cassation du 24 décembre 1872, qui précise que le juge d’instruction, en tant qu’officier de police judiciaire, est irrécusable. La Cour considère que sa mission de recherche des crimes et délits doit être respectée sans entrave : « Le juge d’instruction, en tant qu’officier de police judiciaire, est irrécusable, car sa mission consiste à rechercher les crimes et délits pour en livrer les auteurs aux tribunaux compétents ». Cependant, le MMH reconnaît qu’une récusation pourrait être envisagée si le juge agit en tant que juge de siège. Dans ce cas, le juge délibère sur la qualification des faits, ce qui pourrait justifier une procédure de récusation. Toutefois, le MMH insiste sur la nécessité de ne pas confondre ces deux rôles et sur le respect absolu de cette distinction pour éviter toute dérive.

Le MMH exprime également une vive critique sur la situation politique actuelle en Haïti, notamment l’instauration du Conseil Présidentiel de Transition par le décret du 12 avril 2024. L’organisation juge cette mesure comme une violation du principe d’unité et de souveraineté de la fonction présidentielle, affirmant que « Cette structure collégiale viole le principe d’unité et de souveraineté inhérent à la fonction présidentielle ». Le MMH rappelle que la Constitution haïtienne ne permet aucune structure alternative à la présidence légitime et élue. « Aucune procédure, aussi bien intentionnée soit-elle, ne peut acquérir une valeur constitutionnelle sans respecter les formalités strictes établies par la loi suprême », précise-t-il.

Enfin, le MMH conclut son analyse en critiquant ce qu’il appelle une « situation de fait et non de droit ». Selon l’organisation, les pratiques actuelles ne peuvent être élevées au rang de normes constitutionnelles qu’à travers une intervention juridique claire et rigoureuse. « Faute de cela, l’avenir du pays demeurera entravé par des pratiques illégales et arbitraires », avertit le MMH. L’organisation appelle ainsi à un retour à la légalité, que ce soit dans les affaires judiciaires ou dans la gestion du pouvoir exécutif, pour garantir la stabilité et la légitimité des institutions haïtiennes.

Le Mouvement Mutation Haïti réaffirme son engagement en faveur de l’État de droit et de la primauté de la Constitution comme fondement de la démocratie haïtienne. Il appelle à un débat juridique éclairé et rigoureux pour garantir la stabilité institutionnelle et le respect des principes républicains.