Affaire Jean Dominique : 25 ans après, les assassins d’hier et d’aujourd’hui règnent encore en maîtres…

Jean Leopold Dominique

MIAMI, jeudi 3 avril 2025, (RHINEWS)-Ce 3 avril marque le 25ᵉ anniversaire de l’assassinat de Jean Léopold Dominique, journaliste engagé, infatigable défenseur de la vérité, de la justice sociale et de la souveraineté nationale. Toute sa vie, JeanDo a porté la voix du peuple haïtien, dénonçant sans relâche les abus des puissants, l’hypocrisie des élites et les manœuvres des forces réactionnaires. Son combat n’était pas une posture, mais une mission : celle d’une Haïti libre, où chaque citoyen aurait droit à la dignité et à la parole.

Cet engagement lui valut l’exil en novembre 1980, lors de la grande répression orchestrée par la dictature contre toutes les voix libres et indépendantes. Radio Haïti Inter, bastion du journalisme critique, fut réduite au silence. Mais JeanDo, lui, ne se tut jamais.

Avec la chute de la dictature en 1986, il revint au pays et relança sa station. Il reprit son combat avec la même fougue, s’attaquant aux nouveaux fossoyeurs de la nation : les oligarques corrompus, les politiciens véreux, les réseaux mafieux qui gangrenaient l’État. Cette lutte lui valut d’être haï et traqué. Le 3 avril 2000, dans la cour de sa station, il fut abattu, aux côtés de Jean-Claude Louissaint.

Vingt-cinq ans plus tard, la justice n’a pas avancé d’un pas. L’impunité est totale. Le dossier est embourbé dans les limbes d’un système judiciaire gangrené par la corruption et la peur. Mais plus grave encore : les assassins sont toujours dans la ville. Plus nombreux. Plus organisés. Plus féroces. Ce ne sont plus seulement des tueurs de l’ombre, ils sont désormais des figures publiques. Ils se pavent dans les sphères du pouvoir, portent cravate et souliers vernis, négocient avec les chancelleries, se font passer pour des “partenaires du développement”.

Les assassins ne se cachent plus. Ils dictent la loi. Ils ont fédéré leurs intérêts criminels, tissant des alliances avec la mafia locale et internationale, avec des barons de la drogue et des hommes d’affaires en quête de protections. Certains figurent sur les listes de criminels recherchés par la police haïtienne et le FBI. D’autres ont été impliqués dans l’assassinat de Jovenel Moïse, d’autres encore sont des évadés de prison, des repris de justice devenus chefs de gangs, faiseurs de rois et bourreaux d’un peuple pris en otage.

L’histoire se répète, mais avec une intensité plus macabre. Les criminels d’aujourd’hui, à l’image de ceux qui ont assassiné JeanDo, ont un ennemi commun : la vérité. Pour la faire taire, ils ont recours aux mêmes méthodes qu’hier, mais avec une brutalité exacerbée. Ils incendient écoles et universités, détruisent bibliothèques et hôpitaux, saccagent commissariats et tribunaux. Ils kidnappent, massacrent, violent. Et, comme en l’an 2000, ils s’en prennent aux médias et aux journalistes, conscients que la parole libre est leur plus grande menace.

Mais l’infamie ne s’arrête pas là. Aujourd’hui, ces assassins osent se déguiser en révolutionnaires. Ils se drapent dans les couleurs de la lutte populaire, brandissent des discours empruntés à Fidel Castro, se parent du béret de Che Guevara, invoquent Thomas Sankara et Rahim Traoré. Mais ce ne sont pas des révolutionnaires. Ce sont des imposteurs cyniques, des opportunistes qui pillent la mémoire des vrais combattants pour masquer leurs ambitions prédatrices.

JeanDo les aurait dénoncés avec la même vigueur qu’il dénonça jadis les criminels en cravate et les tyrans en uniforme. Il aurait démonté leurs mensonges, révélé leurs complicités, mis en lumière leur véritable projet : achever la destruction d’Haïti, réduire la nation à un État fantôme, un territoire livré aux assassins et aux marchands de chaos.

Vingt-cinq ans après son assassinat, JeanDo n’a pas obtenu justice. Pire encore, son combat est plus actuel que jamais. Car les assassins sont toujours dans la ville. Ils n’ont jamais cessé de régner. Ils ont seulement changé de visage, de costume, de stratégie. Mais ils poursuivent la même œuvre de mort et de désolation.

Face à cette réalité accablante, une question demeure : qui aura le courage de reprendre le flambeau ? Qui aura la voix assez forte pour briser l’omerta, le courage assez grand pour affronter la machine de l’impunité ? Car tant que les assassins continueront de dicter la loi, tant que leurs crimes resteront impunis, c’est tout un peuple qui restera en deuil.

JeanDo n’est plus, mais sa voix résonne encore. Et elle nous rappelle une vérité implacable : un pays qui refuse de faire justice à ses martyrs s’expose à être à jamais gouverné par leurs bourreaux.