La rédaction de RHINEWS publie in extenso, un texte de réflexion de notre confrère et contributeur, Samuel Jean Trézil, un ancien de radio Caraïbes et actuel responsable de radio KPN fm, à Boston, Massachussetts…
Par Jean-Samuel Trézil
Boston, 12 juillet 2020- Selon une approche religieuse, le désastre rend l’homme herculéen, et l’aide à reprendre confiance dans sa marche vers l’exécution de son plan ou de son dessein. En conséquence, remonter les pentes des soubresauts sociopolitiques et économiques de l’heure pourrait aider le régime en place à devenir plus fort ou très désobligeant envers tous ceux ou toutes celles qui cherchent à fermer la voie à la complétion de son quinquennat. Nous le savons tous, pour le président Jovenel Moïse, son mandat de 5 ans est une hantise, et personne, sous aucun prétexte, ne peut oser lui enlever cette obsession, voire le conseiller ; s’agissant de sauver son pays, en tant que leader, il faut de toute façon laisser tomber les intérêts personnels.
Aussi, a-t-il compris que réussir son quinquennat fera de lui un spécimen de président. Dans un moment de grands bouleversements, il aura su contenir les vagues chimériques qui, non seulement lui donneront le titre de grand leader, mais encore et surtout marqueront l’histoire de sa présidence. Cette attitude, en leadership, traduit un comportement orgueilleux qui est indigne de la position de commandement. Je voudrais rappeler à celui ou celle qui voudrait s’engager dans l’entreprise de diriger que deux grandes qualités font de quelqu’un (e) un (e) leader : écouter et communiquer.
En essayant, en 2020, de comparer le comportement du premier citoyen de la nation à ceux de ses prédécesseurs en termes d’humanisme ou de cœur, on se rend compte qu’il n’est pas sensible aux revendications populaires, ou bien il ignore les actes répréhensibles dont sont victimes les citoyens pendant ces derniers mois. Des dizaines de cadavres sont observés par les riverains, les organisations internationales et les organisations locales de droits humains comme à Carrefour-Feuille, à Cité Soleil, à La saline et au Pont-Rouge, où ont eu lieu des massacres, sans compter les blessés en série. Quel scandale ! On réclame sa démission, mais il reste inflexible. Il croit fermement dans sa logique d’achèvement de son mandat parce que selon lui, on prend le pouvoir seulement par le biais des élections même si, parallèlement, il reconnait un président autoproclamé au Venezuela. Il trahit donc sa logique et n’inspire plus confiance au peuple qui lui a donné ses cinq-cents (500,000) mille voix pour accéder à ce poste si prestigieux.
Mon professeur de droit administratif, l’ancien Premier ministre Enex Jean Charles, nous disait souvent à la FDSE (faculté de droit et des sciences économiques) : ‘’Le Roi ne peut pas se tromper, s’il se trompe, c’est qu’il a été mal conseillé.’’ En persistant sur cette voie de résistance en silence, devant le contexte de fatigue politique des acteurs engagés sur la scène, le président est-il en train de jouer contre lui ou en sa faveur ? Depuis un certain temps, quand il parle, non seulement il soulève la colère de la majorité de la population, mais encore et surtout il continue à exhaler ses promesses jugées par beaucoup comme étant fallacieuses. Aujourd’hui, le président Jovenel Moïse semble avoir le contrôle de la situation et menace de couper les mamelles de la vache qui allaitent les pillards d’Haïti. Hélas, c’est de la folie ! La malade est en très mauvaise condition.
À ce stade de dégradation de la situation sociopolitique et économique, si rien n’a changé, ne peut-on s’attendre au pire. S’il traverse le boulevard des grognes de l’indignation de presque tous les secteurs de la vie nationale, le président se sentirait-il plus fort pour avoir maté tous ces obstacles, et agirait-il envers et contre tous ? Nous serions alors à l’ombre d’une hégémonie grimacière en Haïti et ce serait le retour à un passé cauchemardesque. Le président a parlé, c’est fini ou point barre ! N’a-t-il pas osé en tant que leader ? Les récents décrets pris par l’exécutif ne nous disent rien ?
Le président Jovenel Moïse est un miraculé politique, survivant à plusieurs catastrophes depuis son arrivée au pouvoir. Je dois l’avouer, aujourd’hui en 2020, la crise haïtienne est multiforme et profonde. Il est tout aussi vrai que cette crise est le résultat de longues années de conflits non résolus ou mal gérés ; je dis gérer parce qu’on ne peut jamais résoudre totalement une crise, tant qu’il y a des gens vivant ensemble, en groupe ou en communauté. Faut-il lui accorder le bénéfice du doute ? Il ne peut certes être tenu pour responsable de tous les avatars de l’histoire d’Haïti. Mais en se portant candidat, le président a dit oui pour le pire ou le meilleur, d’autant qu’il prétendait avoir la solution aux différents problèmes.
En effet, on peut relever comme causes des déboires du président : son arrogance; l’absence d’entente chez les politiques, lesquels sont donc sans position (de grengoch) ; la démission de nos élites ; la fatigue politique de la population; une classe moyenne passive dépourvue de toute conscience de classe ; l’acceptation des mercenaires venus violer le sol national sans coup férir; le scénario des soi-disant émissaires de l’OEA ; le support des pays du Core Group après le vote sanctionnant Maduro (en politique il n’y a pas d’ami) ; enfin le support des Etats-Unis.
Beaucoup, cependant, ne cessent de dire que le président nous ressemble. Mais notre ressemblance ne saurait en aucun cas se transformer en amour pour un président, au mépris de la majorité vivotant dans la misère. L’absence de leadership ! Leadership est un aspect de la vie réelle et publique qu’on ne saurait négliger si l’on veut atteindre sa vision, lorsqu’il s’agit de la gestion de la chose publique (la res publica). Malheureusement, leadership se révèle un élément très négligé. Jésus, le plus célèbre des leaders, parlant à ses disciples dans les évangiles disait ”Laissez-les : ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles ; si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une fosse (Mathieu 15 :14)”. Cette vérité biblique traduit une image réelle de la situation d’Haïti sous l’œil passif et indifférent de nos soi-disant dirigeants et de nos élites. Un fort pourcentage de la population veut la démission du chef de l’Etat ; mais remettre sa démission serait un acte hautement moral et de grandeur. Donc, jugez-en vous-mêmes ! La soif du bien-être de l’Haïtien ne demande pas trop, car il n’est pas exigeant. Que vive Haïti, la terre et la Mère de LIBERTE.