PORT-AU-PRINCE, lundi 18 novembre 2024– À l’occasion du 221e anniversaire de la bataille de Vertières, la dernière grande victoire des forces indigènes haïtiennes contre l’armée napoléonienne en 1803, une cérémonie officielle a été organisée de manière exceptionnelle sur une base militaire à Tabarre, en périphérie de Port-au-Prince. Cette décision de déplacer la commémoration, traditionnellement tenue au Cap-Haïtien, a été prise dans un contexte de crises multiples, où l’insécurité, les conflits politiques et les difficultés économiques bouleversent la vie quotidienne en Haïti.
Lors de cette cérémonie marquée par une forte présence militaire, le président du Conseil Présidentiel de Transition, Leslie Voltaire, a prononcé un discours axé sur les leçons historiques de Vertières et leur pertinence dans la lutte actuelle pour la reconstruction nationale. « La victoire de Vertières nous enseigne que l’unité et la détermination peuvent surmonter les adversités les plus graves. Nous devons nous inspirer de cet héritage pour relever les défis contemporains qui mettent notre pays en péril », a-t-il déclaré.
Le général en chef des Forces Armées d’Haïti, Derby Guerrier, a également pris la parole pour rendre hommage aux héros de la révolution haïtienne. Il a exhorté ses troupes à faire preuve du même courage que leurs ancêtres pour défendre les valeurs fondamentales de la nation. « En ce jour mémorable, nous honorons la bravoure de nos prédécesseurs et réaffirmons notre engagement à protéger notre territoire et nos concitoyens, même au prix de sacrifices extrêmes », a-t-il affirmé avec solennité.
Le choix de déplacer la cérémonie de Vertières au Cap-Haïtien, lieu symbolique de la bataille, a suscité des interrogations et des critiques dans plusieurs cercles. Les autorités ont justifié cette décision par des impératifs de sécurité, la région nord du pays étant confrontée à une recrudescence de l’activisme des groupes armés. Cette situation a rendu impossible l’organisation d’un événement de cette envergure dans des conditions sûres.
À Tabarre, l’atmosphère était empreinte de gravité, et la commémoration s’est déroulée dans un cadre restreint et hautement sécurisé. Les officiels présents ont profité de l’occasion pour inaugurer un camp militaire restauré, présenté comme un élément clé du renforcement des capacités des Forces Armées d’Haïti. Ce projet s’inscrit dans les efforts plus larges pour redonner aux forces de défense un rôle central dans la sécurité nationale, un objectif inscrit dans l’accord politique du 3 avril 2024.
Le ministre de l’Éducation nationale, Antoine Augustin, a mis l’accent sur l’importance de transmettre les leçons de Vertières aux jeunes générations. Selon lui, cette victoire historique ne doit pas être seulement un souvenir glorieux, mais un outil éducatif capable d’inculquer un esprit de responsabilité civique et de résilience collective. « Vertières est une source d’inspiration pour tous les Haïtiens. Nous devons enseigner aux jeunes que cette victoire n’est pas un simple fait historique, mais un appel à s’unir et à agir pour bâtir un avenir prospère », a-t-il déclaré.
Les discours ont tous convergé vers un thème commun : la nécessité de l’unité nationale face aux défis colossaux auxquels Haïti est confrontée aujourd’hui. Cette unité, ont rappelé les intervenants, fut la clé de la victoire des forces indigènes en 1803 et demeure essentielle pour surmonter les crises actuelles.
Cette célébration intervient alors que le pays est plongé dans une crise sécuritaire sans précédent. Selon plusieurs rapports, plus de 80 % du territoire est contrôlé par des groupes armés, paralysant les activités économiques et sociales. En parallèle, la crise politique se prolonge, marquée par l’absence d’élections et un vide institutionnel persistant. La situation économique, déjà fragile, s’est aggravée avec une inflation galopante et une pauvreté accrue, affectant la majorité de la population.
Dans ce contexte, le 221e anniversaire de Vertières apparaît comme une opportunité de rappeler les valeurs d’indépendance, de courage et de détermination qui ont fondé la première république noire. Toutefois, la sobriété de la cérémonie et l’absence de mobilisation populaire témoignent des défis actuels et du sentiment d’incertitude qui règne dans le pays.