PORT-AU-PRINCE, mercredi 22 mai 2024 – Le 14 février dernier, la Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique d’Haïti, Emmelie Prophète Milce, a paraphé un accord de coopération en matière de sécurité avec le gouvernement américain.
Selon la Fondasyon Je Klere (FJKL) qui analyse ce document dans un rapport, cet accord, intitulé “Mémorandum de Coopération (MdC)”, marque une étape importante dans la lutte contre la criminalité transnationale.
L’accord de coopération signé entre Haïti et les États-Unis inclut des participants de poids : le Département de la sécurité intérieure des États-Unis, les Services d’immigration et de douane des États-Unis, les Enquêtes de la sécurité intérieure, et la Police nationale haïtienne. Ensemble, ces organismes visent à renforcer les capacités d’enquête et à améliorer le partage des informations pour mieux combattre les organisations criminelles transnationales.
Au cœur de ce partenariat, la création de l’Unité d’Enquête Criminelle Transnationale d’Haïti (UECT Haïti) constitue une avancée majeure. Cette unité spéciale est chargée de mener des enquêtes approfondies et coordonnées sur les crimes transnationaux, en étroite collaboration avec les agences américaines.
L’UECT Haïti a pour mission de renforcer la lutte contre des activités criminelles telles que le trafic de drogue, la traite des êtres humains, le blanchiment d’argent et le terrorisme. Grâce à des ressources techniques avancées et une formation continue, cette unité vise à accroître l’efficacité des enquêtes et des opérations conjointes entre Haïti et les États-Unis.
Les principaux objectifs du MdC incluent, notamment le renforcement des capacités d’enquête, par l’améliorer les compétences techniques et opérationnelles de la Police Nationale d’Haïti (PNH) pour mener des enquêtes complexes.
Le document prévoit également le partage d’Informations pour faciliter l’échange de renseignements entre les forces de l’ordre haïtiennes et américaines pour une meilleure coordination des efforts contre les organisations criminelles.
Le Mémorandum prend en compte aussi la formation spécialisée, offrant des programmes de formation avancés aux agents haïtiens pour les préparer aux défis des enquêtes transnationales.
Le MdC se structure autour de treize articles clés, chacun définissant des aspects spécifiques de la coopération. Voici un résumé des articles les plus significatifs :
Objectifs et Portée (Article 1 et 2) : Les articles initiaux précisent les objectifs du MdC et la portée de la coopération, qui inclut la création et le fonctionnement de l’UECT Haïti. La coopération est soumise aux législations nationales des deux pays.
Sélection et Formation du Personnel (Article 4 et 5) : La PNH est responsable de la sélection des agents de l’UECT, qui doivent passer des contrôles de sécurité rigoureux, incluant des examens polygraphiques et des tests de dépistage de drogues. Les agents suivront des programmes de formation continue, tels que le International Taskforce Agent Training (ITAT), financés par l’HSI.
Structure Organisationnelle (Article 6) : L’UECT sera dirigée par un commandant de la PNH, avec le soutien de l’HSI pour la direction générale et les ressources administratives et opérationnelles. L’UECT opérera à partir des locaux de la PNH, mais sous la supervision technique de l’HSI.
Contrôle et Supervision (Article 9) : Un comité de supervision sera mis en place pour assurer le suivi des activités de l’UECT. Ce comité inclura des représentants de la PNH et de l’HSI, et sera chargé de veiller à la conformité des opérations avec les standards internationaux de droits humains.
Le rapport de la FJKL salue cette initiative comme une avancée majeure dans la lutte contre la criminalité transnationale. Toutefois, plusieurs défis et préoccupations sont mis en avant
Cadre Légal Inadéquat : Le Code d’instruction criminelle d’Haïti, datant de 1835, est jugé obsolète et inadapté aux besoins actuels. La FJKL recommande une révision complète de ce cadre juridique pour intégrer des procédures modernes d’enquête, telles que les écoutes téléphoniques et la surveillance électronique.
Risque d’Abus de Pouvoir : Le rapport souligne le danger potentiel de violations des droits humains sans des règles strictes de supervision et de transparence. La FJKL insiste sur la nécessité de mécanismes de contrôle indépendants pour prévenir les abus.
Coordination Interinstitutionnelle : La FJKL identifie un besoin crucial de définir clairement les rôles et responsabilités des différentes entités impliquées pour éviter les chevauchements et les conflits de compétence. Une coordination efficace est essentielle pour maximiser l’efficacité des opérations de l’UECT.
Pour assurer le succès et la légitimité de l’UECT Haïti, la FJKL fait plusieurs recommandations stratégiques qui prévoit entre autres:
La réforme législative : Adopter un nouveau Code de procédure pénale qui reflète les réalités contemporaines de la criminalité transnationale et garantit les droits des justiciables.
Le contrôle et transparence** : Mettre en place des organes de surveillance indépendants pour contrôler les activités de l’UECT et assurer la transparence de ses opérations. Ces organes devraient inclure des représentants de la société civile et des experts juridiques.
La formation continue et la sensibilisation: Continuer à investir dans la formation des agents de l’UECT et sensibiliser le public aux objectifs et aux limites de cette unité pour renforcer la confiance et la coopération avec la population.
Le renforcement des infrastructures : Assurer que l’UECT dispose des ressources matérielles et logistiques nécessaires pour mener à bien ses missions. Cela inclut des installations sécurisées, des technologies de pointe, et un soutien administratif efficace.
Les partenariats internationaux : Encourager des partenariats avec d’autres pays et organisations internationales pour bénéficier de leurs expériences et ressources dans la lutte contre la criminalité transnationale.